Imaginez un instant que le temps s'arrête et que d'un coup de baguette magique vous vous retrouviez dans la peau d'un voyageur intrépide parcourant l'Asie dans les années 1880 !!
Une expérience déroutante en vérité.
A cette époque, les grandes puissances européennes se partageaient le monde.
C'était le temps des colonies.
Les Indes étaient anglaises, Singapour et Ceylan étaient colonies de la couronne et la Birmanie ne tarderait pas à être occupée. Les français grignotaient peu à peu la totalité de la péninsule indochinoise. Ils bataillaient ferme au Nord contre les redoutables Pavillons Noirs de l'impératrice chinoise Cixi, et à l'Ouest contre les armées du royaume du Siam. Les hollandais de leur côté étendaient toujours un peu plus leur emprise sur l'archipel des Indes orientales au prix de combats incessants contre les belliqueux sultans de Sumatra et de Bornéo.
Le site d'Angkor venait d'être redécouvert.
Il y avait encore des samouraï au Japon et des tsars dans la Sainte Russie !!
Voyager à cette époque n'était donc pas une mince affaire.
Avant de poser le pied sur un quai grouillant d'une activité fébrile à Bombay, Colombo, Singapour ou Batavia, le voyageur avait eu tout loisir, au cours d'une interminable traversée maritime, de lier connaissance avec les autres passagers, fonctionnaires, militaires, missionnaires, diplomates ou commerçants qui, comme lui, se rendaient dans ces contrées exotiques et lointaines pour y exercer leurs fonctions ou tout simplement attirés par le goût du risque et l'appât du gain.
Fraîchement débarqué, le voyageur découvrait la moiteur du climat, la langueur tropicale, la beauté des femmes indigènes, la mousson, les torpeurs de l'opium, l'alcool, les fièvres .
Casque colonial et bottes étaient de rigueur si l'on s'aventurait hors du cercle restreint des blancs résidents, dont les épouses, qui s'ennuyaient ferme, organisaient sans relâche des fêtes où il était de bon ton d'être invité.
On ne s'intéressait guère en général à l'environnement local et à ses habitants. Il y eut même des lieux ou les serviteurs indigènes avaient interdiction de porter un vêtement au-dessus de la ceinture ! Question de bien montrer que l'on appartenait à un autre monde !
Photo d'époque. Auteur inconnu
Dans ce contexte, le voyageur aventureux qui se risquait sur des routes peu sûres pour admirer le paysage et qui se rendait dans les villages pour en rencontrer les habitants, faisait figure d'hurluberlu. S'il avait en plus l'intention de transporter avec lui l'encombrant matériel que représentait alors une chambre photo à soufflet avec ses accessoires, ce ne pouvait être qu'un fou.
Voici un album qui regroupe quelques unes de ces photos de voyage, que le jaune pisseux du papier albuminé ou le bleu de Prusse des cyanotypes rend émouvantes et fragiles. On y découvre des paysages tranquilles, des villageois vaquant à leurs tâches quotidiennes, des portraits indigènes, des ruines englouties dans leur gangue végétale.
Loin des mesquineries coloniales, du bruit de bottes des armées conquérantes et des ragots des cercles d'expatriés.
Si loin de nous... et pourtant si proche !
Aucune de ces photos n'est d'époque !! Magie du numérique et des logiciels de retouche ! Toutes les photos de cette vidéo ont été prises par l'auteur à l'occasion de divers voyages au fil des ans en Asie du Sud Est. Avouez tout de même que vous avez failli y croire !!