Fermez les yeux un instant.
Vous voila transportés comme par miracle à l'aube du XXème siècle.
Vous êtes à Moscou, la ville des mille et un clochers et des sept gares, comme en parlait Blaise Cendrars.
C'est l'hiver. Il neige. La Moskova est gelée.
Toutes les fenêtres de l'immense palais Troubetskoï sont brillamment éclairées.
Devant le perron du palais, une cohorte de robes longues, fourrures, pelisses et uniformes chamarrés s'échappe joyeusement d'une noria de traîneaux attelés.
C'est Noël, et le richissime Maître des lieux a convié famille et amis à un somptueux repas festif.
A l'intérieur, tout brille, tout scintille, tout resplendit,
les multiples lustres, les miroirs, l'argenterie, la vaisselle précieuse,
les diamants à la gorge des femmes.
Mais ce qui frappe d'emblée au premier regard, c'est la présence obsédante d'une multitude de tableaux aux vives couleurs.
Ils recouvrent les murs, serrés les uns contre les autres, à tel point que l'on finit par ressentir qu'ils ne sont que les parties d'une oeuvre unique, une iconostase, comme se plait à les décrire l'hôte de ce palais merveilleux.
Dans la salle de musique, il y a des Monet, des Sisley, des Pissaro, des Degas, des Cézanne, des Derain, et d'autres encore.
Mais la plus grande fierté de ce petit homme timide, à la diction hésitante, c'est la salle à manger, aux murs de laquelle sont accrochés à touche-touche pas moins de seize Gauguin, ceux de la période Tahiti-Marquises, les plus hauts en couleur, aux teintes les plus chaudes.
Un véritable feu d'artifice chromatique, une explosion colorée que complète encore, s'il en était besoin. l'adjonction de deux Van Gogh et de trois Matisse !!
Photo Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine à Moscou
Viendront s'ajouter par la suite à cet incroyable ensemble, une salle Matisse et une salle Picasso, toutes aussi remplies à ras-bord d'oeuvres emblématiques.
A la vue de cet éblouissant ensemble, il serait permis de penser que cet obsessionnel collectionneur, inconditionnel de l'avant-garde picturale française de son époque, qui achetait à prix d'or, en visionnaire ,des oeuvres jugées parfois audacieuses, était béni des dieux.
Il n'en est rien en fait, car le malheur s'est abattu à maintes reprises sur sa famille et la guerre et la révolution bolchevique le déposséderont de ses chers trésors qui deviendront propriété de l'état russe.
Ce collectionneur de génie, c'est Sergueï Chtchoukine, auquel la Fondation Vuitton à Paris consacre actuellement, et ce jusqu'au 20 février 2017, une extraordinaire exposition :
'Icônes de l'Art Moderne'
'La Collection Chtchoukine'
Un hommage mérité à un amoureux fou de l'art dont on disait qu'il compensait le gris de sa vie par la couleur éclatante des toiles qu'il possédait, et une incroyable présentation de quelques cent trente chefs-d'oeuvre.
La vidéo ci-dessous regroupe quelques-unes des photographies que j'ai prises à l'occasion de plusieurs visites de l'exposition.
Il n'a pas toujours été facile de les réaliser car saisies parfois par-dessus les têtes des nombreux visiteurs qui se pressent pour contempler et admirer les tableaux.
Il serait par ailleurs présomptueux de prétendre reproduire fidèlement les couleurs chatoyantes de maîtres absolus en la matière que sont Monet, Gauguin ou Matisse.
J'espère toutefois que ce diaporama vous donnera l'envie, si ce n'est déjà fait, de courir visiter cette merveilleuse exposition.
Entre-temps, j'aimerais l'offrir, comme modeste cadeau de Noël, aux visiteurs, fidèles ou occasionnels, de ce blog.
Bonnes fêtes à toutes et à tous !
oooOOOooo