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15 novembre 2014 6 15 /11 /novembre /2014 18:15

 

 

Un drôle de petit cheval a traversé le ciel gris de Paris.

 

 

Et voilà qu'à son passage les cadenas du pont de l'Archevéché se sont mis à tintinnabuler frénétiquement.

 

 

Au même moment, de grandes fleurs ont éclos sur les façades d'immeubles jusqu'alors bien austères.

 

 

Les murs aveugles se sont vus enrichis de belles enluminures.

 

 

 

Des oiseaux par milliers se sont échappés des murs qui les retenaient prisonniers.

 

 

Les jacarandas mauves de l'avenue Carnot ont soudain refleuri.

 

 

 

De longues rangées d'immeubles jusqu'à ce jour unies dans une monochrome rectitude se sont vues dotées par enchantement de volets aux couleurs délicates ou de façades pimpantes.

 

 

Juste retour des choses, les berges de la Seine ont trouvé plaisir à observer à leur tour le ballet incessant des bateaux-mouches.

 

 

 

Considérées depuis toujours comme les irréprochables balises d'une confiante navigation urbaine, les plaques indicatrices du nom des rues et des places se sont mises à délivrer des informations fantaisistes.

 

 

 

De leur côté, les panneaux de signalisation routière, pourtant présumés plus sages, ont décidé d'afficher des directions troublantes.

 

 

 

 

Un peu partout sont apparus de sibyllins messages.

 

 

 

 

 

Les habitants ont commencé à danser sur la place publique et à s'adonner au rêve.

 

 

 

 

Les artistes ont tôt fait d'illustrer ces rêves sur les murs défraichis.

 

 

 

Le petit cheval s'est évanoui dans les nuées d'un soir d'orage et les habitants ont été brutalement tirés de leurs rêves.

 

 

Il semble que personne, parmi les habitants, ne se soit rendu compte du passage du petit cheval. Les seuls témoins seraient les sphinges de l'hôtel de Sully, mais elles gardent obstinément le silence... et faire parler une sphinge est une chose qui relève de l'impossible..

 

 

 

Le mystère restera donc entier, mais si, par le plus grand des hasards, il survenait que, passant par le pont de l'Archevêché, vous entendiez soudain les cadenas tintinnabuler frénétiquement, sachez alors, qu'au dessus de vos têtes, il y a fort à parier qu'un petit cheval folâtre au milieu des nuages à l'aplomb de la Ville Lumière.

 

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Le Petit Cheval ( poésie urbaine)
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9 novembre 2014 7 09 /11 /novembre /2014 19:31

 

 

Il s'est posé toutes voiles dehors au beau milieu des arbres du Bois de Boulogne, à Paris.

 

 

 

Navire-insecte aux élytres déployées, il étincelle dans la lumière.

 

 

Les gentils pensionnaires du Jardin d'Acclimatation voisin l'ont tout de suite adopté.

 

 

D'où vient-il ? Ses aveuglants murs-icebergs aux formes sensuelles semblent suggérer une boréale provenance.

 

 

 

 

Se pourrait-il que son Capitaine soit cet enigmatique géant ?

 

Thomas Schütte - 'Sourcier dans la boue'

Les voiles de cette intrigante chrysalide reflètent à l'envie le paysage alentour, non sans malicieusement déformer les orgueilleuses demeures de Neuilly tout proche.

 

 

 

A peine amarré, le vaisseau venu d'ailleurs a été abordé par une foule avide d'explorer l'incroyable complexité de sa mâture, de ses drisses, de ses réas, de ses haubans.

 

 

 

 

Dans les coursives, baignées de lumières et de sons étranges, eau et miroirs rivalisent pour multiplier à l'infini l'image des visiteurs.

 

 

 

 

Se pourrait-il aussi que, dans un jaillissement d'écume, ce mystérieux navire ait en fait surgi des flots ?

 

 

Vus de l'intérieur, on croirait observer les poissons derrière les hublots du Nautilus de Jules Vernes.

 

 

Ici, l'amateur de lignes droites perd tout sens de la réalité car ce ne sont partout que courbes, contrecourbes, plans inclinés et lignes ondulantes.

 

 

 

 

On en viendrait presque à oublier que cette coque étincelante abrite un musée et qu'elle sert d'écrin à une lumineuse collection d'oeuvres qui ira s'agrandissant au fil du temps.

 

Gerhard Richter - 'Carotte'

 

Bertrand Lavier - 'Empress of India II'

 

Olafur Eliasson - 'Grotto'

 

Magie d'une réalisation hors du commun qu'un architecte de génie, épris d'espace et de lumière, a conçu pour abriter la collection d'un mécène.

 

 

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Oeuvre de l'architecte américain de 85 ans, Frank Gehry, créateur célèbre du 'Guggenheim' de Bilbao, la Fondation Louis Vuitton a été inaugurée le 24 Octobre dernier pour abriter la collection d'art contemporain de Bernard Arnault et permettre la découverte de la création artistique actuelle à travers expositions temporaires et événements pluridisciplinaires.

Le bâtiment, dans la transparence de ses douze voiles de verre, est tellement beau et la performance technique - irréalisable il y a quelques années seulement - tellement stupéfiante, que le contenant a quelque peu tendance à éclipser le contenu.

Mais faut-il vraiment se plaindre qu'un tel navire de lumière ait choisi Paris pour venir s'amarrer au beau milieu des arbres ?

 

 

 

 

 

Un Vaisseau dans le Bois - La Fondation Louis Vuitton à Paris
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8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 15:37

 

Il est une ville, baignée par les eaux froides du Pacifique, qui ne ressemble à aucune autre. Une ville montagne russe où 47 collines jouent à saute-moutons. Une ville où le climat fantasque peut, en plein cœur de l'été, vous faire passer sans crier gare d'une chaleur étouffante à un froid mordant.

San Francisco, rebelle et fière de l'être, se moque bien des conventions.

 

 

Bien sûr, il y a les clichés, le Golden Gate, les cable cars, Alcatraz et les lions de mer de Fisherman's wharf, mais ce qui frappe le voyageur curieux, c'est qu'ici, à la différence de tant de cités qui déclinent l'infinie varieté des palettes de gris, on a vraiment l'impression que les habitants disposent en permanence d'un libre accès à une réserve inépuisable de peinture vive dont ils usent à discrètion.

 

 

 

Un peu partout en ville, on rencontre ces adorables maisons-patisseries aux teintes acidulées, qui paraissent tout droit sorties d'une BD haute en couleurs.

 

 

 

 

 

Ici, on aime sa ville et son joli pont, et on le fait savoir  Pas étonnant dans ces conditions si on le représente sur la façade de sa maison.

 

 

En fait, les murs de San Francisco racontent bien des choses. Qu'il s'agisse d'un imaginaire idyllique ou de la nostalgie des beaux jours du Summer of Love, là où est né le mouvement Hippie dans les années 60, les murs sont les médiateurs des aspirations, des révoltes et des rêves des habitants.

 

 

 

 

 

 

Mais ce qui caractérise par dessus tout, et qui a fait la réputation des fresques murales de San Francisco, c'est qu'ici, l'indignation s'est exprimée dès les années 80 à la brosse et au pinceau et se poursuit toujours aujourd'hui au pochoir et à la bombe aérosol.

A Balmy Alley, dans le quartier de Mission, qui jouxte Castrolà où flotte le drapeau arc-en-ciel des libertés homosexuelles, les déracinés mexicains, les Chicanos, dignes successeurs de Diego Rivera, rejoints ensuite par d'autres exilés de toute l'Amérique latine, ont peint sur les murs et les portes de garage leur désaccord avec la politique menée par les Etats Unis dans leurs pays d'origine, célébrant au passage Monseigneur Oscar Romero qui affirmait  :"Personne ne devrait jamais obéir à une loi injuste". 

 

 

 

 

 

C'est pourtant, au coeur du même quartier, à la vue de l'incroyable, de l'invraisemblable façade de la Maison des Femmes que l'on mesure vraiment l'extraordinaire force d'expression de l'imagerie murale. Ces fresques sont l'oeuvre de sept muralistas assistées de quelques volontaires, qui ont voulu ainsi glorifier le pouvoir féminin et les luttes des femmes à travers le monde.

 

 

 

 

 

 

Il y a des milliers de fresques murales à San Francisco. Si nombre d'entre elles sont toujours l'expression de revendications ou d'indignations, la pure expression artistique y tient toujours une large part et les centimètres carrés disponibles en certains lieux sont chèrement disputés.

 

 

 

 

 

 

 

Dans le quartier de Haight-Ashbury, un nostalgique du Flower Power est absorbé dans ses souvenirs. Le drôle de dinosaure disséqué par Nichos semble, lui, affalé sur les véhicules d'une civilisation qu'il a renoncé à comprendre.

 

 

 

Sur un mur de Clarion Alley, ou même le sol a été recouvert de dessins colorés, la rêveuse pêcheuse d'étoiles du regretté Moebius semble quitter avec regret le monde interstellaire.

 

 

 

Les feux dorés du couchant illuminent une dernière fois la Baie où se silhouette le célèbre pont qu'ici on aime tant.

Une ville décidément pas comme les autres...

 

 

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Les couleurs de San Francisco
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25 août 2014 1 25 /08 /août /2014 21:53

 

Les vitrines de nos villes sont de petits théâtres dont les acteurs, mannequins rêveurs au regard fixe, traversés, tels des ectoplasmes, par le tohu-bohu urbain dont une vitre-miroir projette l'image en filigrane, interprètent pour un public aléatoire et pressé, des comédies et des drames immobiles et muets.

 

 

 

 

Il y a quelque temps de cela, un crime affreux ensanglanta une vitrine du quartier.

 

 

On soupçonna bientôt le gang des perruques d'être impliqué dans cette sordide affaire.

 

 

En dépit toutefois d'une surveillance policière aussi assidue que discrète, la culpabilité de ses membres ne put jamais être établie et ils finirent par être mis hors de cause.

 

 

Il en résulta cependant un lourd climat d'insécurité, et pendant de longs mois, on s'espionna avec tenacité d'une vitrine à l'autre.

 

 

 

 

 

 

Avec le temps, les suspicions s'atténuèrent et le quartier retrouva peu à peu son animation coutumière, rythmée par l'impérieux calendrier des soldes et des collections saisonnières.

 

 

C'est alors que l'on recommença à parler de la grande Madame Irma.

 

 

Elle avait eu son heure de gloire il y a de cela des lustres, à une époque où le claquement de ses talons aiguilles résonnait fort tard sur le pavé du centre ville, tandis que, dans les hôtels du voisinage, les portiers de nuit résistaient tant bien que mal aux délices de l'assoupissement.

 

 

On murmurait même qu'à une certaine époque la Brigade des Moeurs s'était intéressée de près à son cas.

 

 

Toujours est-il qu'elle organisait à présent des fêtes somptueuses où il était de bon ton de venir et d'y être vu.

 

 

 

 

Ce qui faisait l'originalité de ces fêtes, c'est qu'il y régnait une fantaisie débridée et que l'inventivité et l'extravagance des costumes était la règle pour franchir en douceur le seuil de l'établissement de Madame Irma.

 

 

 

 

 

 

Comme il était à prévoir, ceux qui n'étaient pas invités à ces folles soirées ne tardèrent pas à répandre  des rumeurs assassines.

 

 

On prétendit qu'au cours de ces soirées se déroulaient des exhibitions fort dévêtues.

 

 

 

Une employée de maison, dont Madame Irma s"était séparée pour indélicatesse, s'en alla raconter à la police avoir assisté à des scènes proprement scandaleuses.

 

 

Au cours de soirées particulièrement arrosées, de belles étrangères auraient été retrouvées dans un état de délabrement comateux.

 

 

 

Lorqu'au petit matin suivant, l'une d'entre elles tenta de se jeter dans le vide, c'en était trop.

 

 

La reine de la nuit fut expulsée du territoire, reconduite à la frontière, et au joyeux tempo des rythmes endiablés de son établissement succéda un silence angoissant.

 

 

On ne revit jamais Madame Irma, mais beaucoup regrettent en secret le temps des joyeuses soirées.

 

 

Ironie du sort, en lieu et place de l'établissement qui provoqua tant de vertueux remous, on peut maintenant trouver un magasin de mannequins de vitrine .... fort dévêtus !

 

 

oooOOOooo

 

Elles sont à Paris, à Rome, à San Francisco ou encore à Melbourne, ces vitrines aménagées avec talent, où des personnages idéalisés nous regardent avec des yeux qui jamais ne se ferment. Les mannequins de vitrine sont des faiseurs de rêves ... pour peu que l'on ait tant soit peu d'imagination .. 

 

 

Histoires de vitrines
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21 juillet 2014 1 21 /07 /juillet /2014 21:40

 

Ce serait un euphémisme de dire que les images dont l'Actualité nous abreuve quotidiennement, ne reflètent pas une vision particulièrement sereine du Monde qui nous entoure.

Notre Terre recèle pourtant d'infinies beautés dont la seule contemplation suffit à nous apaiser.

Ces quelques illustrations, fruit de mes pérégrinations à travers le Monde, n'ont pour objectif que de transmettre l'impression de sérénité que leur vision confère, moments suspendus, alors qu'autour tout n'est que bruit, agitation et fureur.

 

Brésil, sur le Rio Negro

 

 

Coucher de soleil sur les dunes du Namib

 

 

Petit matin dans la forêt amazonienne

 

 

Jour tranquille dans la région de Montpellier

 

 

Départ pour la pêche dans le golfe de Gênes

 

 

Birmanie, pêcheur sur la lac Inle

 

 

Chine, sur la Grande Muraille

 

 

Baleine à bosse au large de l'Afrique du Sud

 

 

Bali, le bain des chevaux au crépuscule

 

 

Laos, le repas des moines

 

Soirée paisible à Moorea, Polynésie française

 

 

Prairie ensoleillée et ruisseau quelque part en France

 

 

Italie, le lac Trasimène

 

 

Birmanie, retour de rizière

 

 

Chine, sur la rivière Li

 

 

Afrique du Sud, dans le jardin botanique du Cap

 

 

Tanzanie, crépuscule dans le parc de Chobe

 

 

Sérénité bouddhique dans un temple laotien

 

On pourrait ainsi multiplier à l'infini les exemples de la beauté du Monde. Il ne faudrait pas pour autant verser dans l'angélisme et ne regarder que le bon côté des choses,  car toute médaille a son revers qu'il serait bien imprudent et inconscient d'ignorer.

Le but de ces quelques images était simplement de montrer qu'il est toujours possible de trouver un peu de sérénité en contemplant le Monde, tout en sachant que derrière le plus paisible des paysages peut souvent se cacher une réalité bien cruelle.

 

 

Brésil, caîman dans un marécage du Pantanal

 

 

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Images d'un Monde Serein
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10 juillet 2014 4 10 /07 /juillet /2014 18:55

 

En visite dans les Parcs Nationaux de l'Ouest américain, après avoir admiré les beautés naturelles de Zion, s'être immergé dans la magie d'Antelope Canyon ou cheminé au coeur de la forêt pétrifiée de Bryce, on serait un peu tenté de douter que Mère Nature puisse encore nous laisser béats d'admiration..

Elle nous réserve pourtant la surprise de découvrir la plus extraordinaire, la plus gigantesque, la plus fantastique, la plus incroyable des merveilles ;

le Grand Canyon.

 

 

Le Grand Canyon, on a tous l'impression de déjà le connaître, tant son image est familière, mais lorsqu'il apparaît au détour de la route, on ne peut qu'avoir le souffle coupé.

 

 

On l' imaginait ocre, brun et rouge brique, et voilà que tout le paysage baigne dans une douce lumière bleutée dont les nuances délicates se fondent, à la limite du champ visuel, en un voile subtil qui nimbe les lointains reliefs.

 

 

Partout où le regard porte, ce ne sont qu'amoncellements de roches qui se chevauchent et s'entrechoquent. Des canyons débouchent sur d'autres canyons, à l'infini, dans ce qui semble être le résultat complexe d'un bouleversement minéral des premiers âges de la Terre.

 

 

Le Grand Canyon est immense, et l'on ressent vraiment sur place cette écrasante impression d'immensité.

Le Parc National, dans le Nord-Ouest de l'Arizona, couvre une superficie deux fois supérieure à celle du Luxembourg. et le Canyon principal s'y étire sur une longueur totale de 446 kilomètres. On estime que les roches les plus anciennes qui constituent son socle et affleurent en plusieurs endroits au fond du canyon, joliment qualifiées de 'shistes de Vishnou', sont âgées de 1 milliard 700 millions d'années !!

 

 

A titre de comparaison, la Colorado river, responsable du travail de sape qui l'a conduite à serpenter en un brillant ruban émeraude, prés de 2 kilomètres plus bas, n'est âgée que de 60 millions d'années, née après le soulèvement des Montagnes Rocheuses, alors que les ptérodactyles voletaient encore au-dessus des énormes herbivores et des méchants tigres à dents de sabre.

 

 

 

 

 

 

Façonné par la mer, la pluie, le vent et les fleuves, le Grand Canyon a aussi connu les soulèvements tectoniques, les secousses sismiques (45 tremblements de terre, rien qu'au 20ème siècle) et même les éruptions volcaniques (la dernière remontant tout de même au haut Moyen-Age, le nôtre, pas celui géologique).

 

 

Le résultat de tout cela est un mille-feuilles de 40 couches géologiques bien visibles, véritable livre ouvert sur l'histoire de la Terre, pour la plus grande joie des spécialistes..

 

 

C'est par égard sans doute pour l'âge vénérable de cet environnement minéral que bien des arbres, au bord du vide, se découvrent respectueusement.

 

 

 

Un spectacle aussi impressionnant et grandiose a naturellement donné naissance à des superstitions et des croyances, et les noms donnés à certaines formations remarquables reflètent l'imaginaire qu'a pu susciter leur aspect : Temple d'Isis, Pyramide de Chéops, Temple de Buddha, Ranch Fantôme ...

 

 

On pourrait croire, devant la majesté des lieux, tant, à l'échelle humaine, la disproportion est évidente, que jamais l'Homme ne pourra porter atteinte à une telle merveille de la Nature. Ce serait oublier que l'homme est un apprenti-sorcier.

Le Grand Canyon est incroyablement riche en minerais précieux et stratégiques. Dans les années 50/60, au plus fort de la Guerre Froide, 800,000 tonnes d'un minerai à très forte concentration d'uranium ont été extraites d'une mine située sur la rive Sud du Canyon. Les ouvriers, en majorité indiens, étaient descendus par benne dans des conditions acrobatiques et travaillaient dans l'excavation sans protection particulière. 

 

 

Les communautés indiennes, d'abord favorables à l'implantation des mines en considération des bénéfices procurés, ont ensuite pris conscience des risques sanitaires encourus et des pollutions engendrées, notamment concernant l'eau potable. Des analyses, effectuées sur des échantillons d'eau de la Colorado River, n'ont pas été particulièrement rassurantes !

 

 

Si la mine de la rive Sud, ainsi d'ailleurs que beaucoup d'autres, a été depuis démantelée, il en existe toujours plusieurs en activité, et le débat fait toujours rage entre défenseurs et opposants à une extension de l'extraction. Ce débat connait des hauts et des bas en fonction des fluctuations des marchés et du désir temporairement plus ou moins aigu d'indépendance énergétique.

 

 

Le site du Grand Canyon est inscrit au Patrimoine Mondial de l'UNESCO et reçoit chaque année près de 5 millions de visiteurs.

Dans la partie Ouest du Canyon, une grande passerelle à plancher de verre, en forme de fer à cheval, le 'Skywalk', surplombe le vide afin de donner aux touristes le grand frisson et l'illusion de planer 2 kilomètres au-dessus du Colorado. Cette construction dénature d'autant plus le site qu'il est prévu d'y adjoindre un hôtel-restaurant et un casino, mais, mis à part cette exception notoire, il faut admettre que, dans le reste du Parc, - et il est grand - l'impression d'un contact privilégié avec une Nature d'une extraordinaire beauté est toujours bien réelle.

 

 

Les visiteurs qui communient chaque soir à la Grand Messe du coucher du soleil sur ces témoins des origines de la Terre, ont-ils conscience que l'Homme, dans sa quête frénétique de Puissance et de Profit, pourrait bien, au final, libérer les démons qui sommeillent depuis tant de millions et de millions d'années au plus profond d'une aussi belle Nature ? 

 

 

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Grand Canyon. Les Premiers Matins du Monde.
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6 juillet 2014 7 06 /07 /juillet /2014 10:24

 

Erosion, érosion, que de folies commises en ton nom !

L'Ouest des Etats-Unis, c'est un fait reconnu, est prodigue en délires géologiques de tous ordres, mais là où cela frise la démence c'est bien dans Bryce Canyon, au Sud-Ouest de l'Utah.

Ce n'est pas à proprement parler un Canyon, mais plutôt une succession d'amphithéâtres s'étirant sur plus de 20 kilomètres, dans lesquels s'aligne un gigantesque jeu de quilles qui semble avoir été mis en place pour le divertissement de géants mythologiques.

 

 

Encore une fois, c'est la mer, dont nous sommes tous issus, qui est à l'origine de cette parade minérale. 

La mer, c'est connu, monte et descend, puis remonte et redescend, indéfiniment, Elle a fait cela au cours des ères géologiques alors qu'elle recouvrait puis abandonnait  la région, déposant à chaque fois une nouvelle couche de sédiments.

 

 

Après que la mer, il y a environ 40 à 60 millions d'années, eut fait place à des lacs intérieurs recouvrant ce qui était toujours un plateau, se déroula un phénomène que les éminents spécialistes ont qualifié de 'formation géologique de Clarion' consistant en dépôts successifs de roches sédimentaires, sables argiles et calcaires friables.

 

 

Quand le plateau se retrouva asséché, les deux compères que sont la pluie et le vent, qui n'attendaient que cela, se ruèrent  sur les parties les plus tendres de cet appétissant mille-feuilles et le grignotèrent à belles dents, patiemment, aidés en cela par l'alternance de froids et de chaleurs extrêmes qui faisait éclater des pans entiers de roche.

 

 

Etant donné que la partie supérieure du mille-feuilles est constituée par une roche plus dure, qui de ce fait sert de parapluie aux couches inférieures, l'érosion a sculpté ces étranges colonnes que, dans nos régions, on désigne sous le vocable de 'cheminées de fées' et auxquelles les américains ont donné le drôle de nom de 'hoodoos'.

 

 

Pas évident de saisir la subtilité du mot 'hoodoo'. Le verbe to hood signifie encapuchonner, ce qui pourrait le relier à l'aspect décidément phallique de certaines 'cheminées'. Mais 'hoodoo' ou 'oodoo' signifie aussi 'vaudou' et là, on entre dans une toute autre dimension, celle de l'aspect magique du site. 

 

 

Les indiens Paiute, qui habitaient la région avant l'arrivée des colons blancs, considéraient que ces rochers bizarres étaient les restes pétrifiés d'anciens êtres, punis pour avoir mal agi.

Nul doute que les fautifs devaient être bien nombreux, vu l'étendue du site. Quant à la blanche 'reine Victoria', il est tout de même improbable qu'elle ait été changée en pierre pour fautes commises au cours de son interminable règne !

 

 

Le charpentier Ebenezer Bryce qui, en 1875, s'établit dans la région et devait par la suite donner son nom au site, se souciait, lui, fort peu du prétendu mauvais sort qui entourait ces étranges formations. Avec le bon sens terre-à-terre des paysans, il aurait déclaré :

" Foutu endroit pour perdre une vache"

 

 

Dans la lumière du matin, les hoodoos, puisqu'il faut les appeler ainsi, revêtent, pour la plupart d'entre eux, une forte coloration rougeâtre due à la présence d'hématite, alors que d'autres adoptent des teintes allant du jaune soutenu au blanc diaphane en fonction de leur composition chimique..

 

 

L'envie devient alors pressante, puisqu'un arbre semble indiquer le chemin, d'aller voir en bas quelle magie se dissimule dans les méandres d'un tel labyrinthe.

 

 

La descente est longue, avec, chemin faisant , l'arrière-pensée qu'il faudra ensuite remonter dans la chaleur de midi, le souffle court, car on est quand même à 2000/2500 mètres d'altitude.

 

 

 

En bas, le spectacle est saisissant lorsqu'on se faufile entre les gigantesques hoodoos dont certains peuvent atteindre 35 mètres.

 

 

En approchant de la partie basse de l'amphithéâtre, la végétation, d'abord incapable de rivaliser avec les géants de pierre, finit par se mélanger à ceux-ci pour créer un paysage chaotique où le vert des feuillages vient atténuer quelque peu le grand chambardement minéral.

 

 

 

On pourrait croire ce paysage figé à jamais. Il n'en est rien. A une échelle sans commune mesure avec nos pauvres petites existences, l'érosion continue inlassablement son travail de sape. Les arches que l'on aperçoit dans la muraille ceinturant le site finiront par s'écrouler, libérant de nouveaux hoodoos, qui viendront s'ajouter à l'immobile parade de leurs congénères, tandis que de vieux hoodoos, autrefois majestueux, connaitront la déchéance et finiront simples monticules.

 

 

Ainsi va la vie géologique ! Mais la magie est bien réelle. Les êtres pétrifiés suivent de leur regard de pierre ces drôles de randonneurs assoiffés qui parcourent le fascinant décor, cet incroyable dédale que l'on croirait sorti tout droit d'une BD fantastique.

 

 

Et le fantastique est bien là. Tapi au plus profond du Canyon, un dragon veille. Il n'est pas franchement intimidant ce dragon, qui bat des ailes comme un chapon et dont les flammèches qu'il crachouille auraient bien du mal à déclancher un feu de brousailles, même par temps de grande sécheresse.

 

 

Qui peut pourtant prétendre qu'une fois l'obscurité venue, le petit dragon ne se transformera pas en un fabuleux animal ailé et qu'il ne s'en ira pas rejoindre les âmes errantes pétrifiées dont la plainte est parfois entendue au cours des nuits sans lune ?

 

 

Les hoodoos de Bryce Canyon font partie de l'imaginaire américain. Reconstitués en béton armé et peints de couleurs vives, ils constituent le décor de la plus célèbre des attractions des parcs Disneyland à travers le monde, la 'Big Thunder Mountain', des montagnes russes parcourues à une allure démente par un train fou qui emmène ses passagers épris de sensations fortes à travers une mine hantée, peuplée de bébêtes inquiétantes.

Magie toujours ...

 

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Les photos illustrant cet article sont de l'auteur, à l'exception de la dernière, qui est un cliché de Jeff Bergman. pris sur le site du parc Disneyland d'Orlando (Fl) et que l'on peut retrouver à l'adresse suivante:

www.dadsguidetowdw.com/big-thunder-mountain-railroad.html

 

Le Dragon de Bryce Canyon
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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 22:17

 

Les regards vides des fenêtres-miroirs reflètent un paysage de collines chauves sous un ciel sans nuages.

 

 

La lumière est crue en ce début d'été, l'air est sec et le chaleur de midi paraît engourdir ces étranges maisons de bois éparpillées un peu partout aux alentours.

 

 

Qu'on ne s'y trompe pas cependant. La belle saison est ici, sur les contreforts de la Sierra Nevada en Californie, de courte durée. On est à 2.500 m d'altitude. Les hivers sont rudes et il arrive parfois qu'il tombe tellement de neige que la seule route d'accès devienne totalement impraticable.

 

 

Bodie, la plus célèbre des cités minières fantômes de l'Ouest des Etats-Unis, lorsque les derniers touristes ont regagné leurs véhicules, se mure dans un épais silence, troublé seulement par le sifflement du vent, descendu des collines sans arbres qui l'entourent de toutes parts.

 

 

Les derniers habitants de Bodie (ils étaient 3 en 1943) abandonnèrent la ville dans les années 1940, mais le déclin avait commencé bien avant, dès la fin du 19ème siècle alors que l'annonce de la découverte de nouveaux filons dans d'autres régions incitait nombre de mineurs à miser ailleurs sur leur bonne étoile.

Au plus fort de l'exploitation aurifère, dans les années 1870, la ville comptait près de 10.000 habitants et comportait environ 2.000 maisons. Aujourd'hui, 170 bâtiments, plus ou moins de guingois, plus ou moins branlants, sont encore debout. 

 

 

A la grande époque, la rue principale, qui s'étirait sur 2 kms, ne comptait pas moins de 65 saloons !! Il y avait une banque, un bureau de poste, 4 postes de pompiers volontaires, une école, des boutiques, des magasins, des ateliers, un gymnase, une voie ferrée, une centrale électrique, un journal, une prison, les bureaux des syndicats, un cimetière très fréquenté, une salle de bal, un quartier chinois, et bien sûr des tripots et des bordels...mais pas d'église.

D'où le mythe longtemps entretenu de la petite fille qui, apprenant que ses parents décidaient de déménager pour Bodie, avait ajouté à ses prières du soir ; "Adieu Seigneur, nous partons pour Bodie"..

 

 

Ce n'est qu'en 1880 que fut érigée l'église Méthodiste, qui est toujours visible. Sa construction eut lieu alors que la ville recouvrait un aspect plus familial après le départ des 'mineurs d'un jour' attirés par les nouvelles découvertes et leurs prometteuses pépites.  

 

 

Il faut dire que la réputation de Bodie, archétype d'un Ouest sauvage et sans foi ni loi n'était plus à faire. Meurtres, agressions en tous genres, vols à main armées, attaques de banques et de diligences (il fallait bien transporter l'or qui était extrait) étaient monnaie courante, sans compter la prostitution et les ravages de l'alcool, de l'héroïne et de l'opium.

Une plaisanterie courante à San Francisco était de dire qu'il était impossible de traverser une rue de Bodie sans qu'une balle aille transpercer votre chapeau. Le panneau 'Shell' à la station d'essence porte encore aujourd'hui des traces d'impact !

 

 

Si, à la différence d'autres lieux comme Tombstone ou Dodge City, Bodie n'eut pas le "privilège" de voir un Wyatt Earp ou Doc Holliday arpenter les rues de la ville et dégainer plus vite que son ombre, elle fut à l'origine d'une expression, le "Bad Man from Bodie" qui, dans toute l'Amérique désigna bientôt un individu peu recommendable, truand, ruffian, bagarreur et éventuellement meurtrier de sang froid.

 

 

Aujourd'hui, on peut traverser la ville désertée sans essuyer le feu d'un tireur embusqué. En 1962, Bodie a été déclarée Parc Historique d'Etat et maintenue dans un état de 'délabrement arrêté', l'intérieur des bâtiments étant laissé tel que lors de son abandon.

 

 

Les grands chariots et les élégantes calèches ne brinquebalent plus à travers la ville en soulevant des nuages de poussière.

 

 

 

A travers les vitres salies, on distingue d'émouvants vestiges, objets du quotidien pour lesquels le temps s'est arrêté et que personne n'ose toucher, comme si une catastrophe nucléaire était soudain venue éradiquer toute vie à la surface de la terre. 

 

 

 

 

 

 

Les fenêtres-miroirs regardent des rues vides et leurs rideaux dépenaillés semblent évoquer les fantômes du passé.

 

 

Ces fantômes, je crois qu'ils rôdent toujours autour des bâtisses dont les planchers craquent sous les pieds de manière inquiètante, à commencer par Wakeman S. Body, l'un des quatre prospecteurs qui découvrirent en 1868 le premier filon en ce lieu qui, avec une légère déformation, portera par la suite son nom. Il s'était construit une barraque dans ce qui devait devenir Green Street. On retrouva son corps congelé peu de temps après pour avoir tenté de s'approvisionner dans une agglomération voisine un jour de méchant blizzard.

 

 

Comment ne pas évoquer Madame Mustache, flamboyante tenancière de tripots et accessoirement pourvoyeuse de filles de joie, de son vrai nom Eleanor Dumont, d'origine française, ainsi nommée parce qu'une fine pilosité ornait sa lèvre supérieure. Elle avait traîné ses guètres dans tout l'Ouest sauvage et acquis une solide réputation de femme généreuse. On disait qu'elle terminait ses parties de cartes en offrant un verre de lait au malheureux joueur qui se mesurait à elle et le faisait raccompagner jusqu'à son domicile où il devait affronter son épouse. 

 

 

Au soir du 9 Septembre 1879, Madame Mustache eut un gros revers de fortune dans l'établissement 'Le Magnolia' qu'elle gérait à Bodie. Elle sortit et marcha en direction des collines. Au petit matin, on retrouva son corps, auprès duquel il y avait un flacon d'héroine avec un petit mot disant qu'elle en avait assez de vivre.

 

 

Les habitants de Bodie étaient plutôt blasés en matière d'enterrements mais celui de Madame Mustache dépassa de loin en grandeur tout ce qui avait été fait auparavant. On fit spécialement venir pour l'occasion un superbe corbillard de Carson City à plus de 200 kms de là et l'assistance à la cérémonie fut exceptionnelle.

Et Rosa May, la prostituée au grand coeur, fille d'immigrés irlandais. Son fantôme aussi doit errer la nuit dans le vent des collines. Elle soigna sans relâche les mineurs durant une terrible épidémie avant d'être elle-même emportée par la maladie pendant l'hiver 1911/1912.

 

 

Bien des fantômes hélas ne sont pas recommendables, tel ce bon à rien de Washoe Pete dont l'histoire fut rapportée en 1878 dans le 'San Francisco Argonaut'. Hâbleur, bagarreur, sortant Colt ou couteau pour un rien, il s'en prit un jour, dans l'un des multiples saloons de Bodie, à un petit expert des Mines, chétif et timide, qui buvait tranquillement sa bière sans rien demander à personne. Tout Bodie en fit des gorges chaudes lorsque le petit expert envoya le malotru au tapis d'un magistral uppercut et offrit ensuite à l'assistance une tournée générale.

 

 

Le 15 Janvier 1878, John Bresnan et James Blair inauguraient la longue série des homicides en s'entretuant mutuellement. Des centaines et des centaines devaient suivre, faisant de Bodie la ville maudite dont la réputation sulfureuse allait bientôt dépasser de très loin les frontières de l'Etat.

 

 

A présent, le silence et le vent ont pris la place des réglements de comptes, mais la légende de Bodie perdure et les superstitieux croient toujours percevoir la présence d'âmes errantes dans ce qui reste de la mythique ville-frontière du temps de la ruée vers l'or.

 

 

Certains parlent même de la 'Malédiction de Bodie' qui voudrait que quiconque ramasse un objet-souvenir, même un clou, au cours de la visite du site, encourt ensuite les pires calamités.

Les rangers qui assurent la sécurité et l'entretien des lieux, admettent recevoir régulièrement des lettres, accompagnées de paquets, dans lesquelles d'anciens visiteurs s'excusent sincérement de leur larçin et retournent de menus objets 'collectés' lors de leur passage, avec l'espoir de mettre ainsi fin à la série de malheurs qui n'a cessé de les frapper depuis.  

 

 

Quoi qu'il en soit, Bodie, la ville-fantôme, demeure un endroit fascinant qui marque l'esprit de toute personne qui le visite. C'est un lieu magique qui ne laisse pas indifférent et où l'impression de temps suspendu fait qu'on s'attend, à chaque instant, à voir apparaître, au détour d'un bâtiment décrépi, quelques uns de ces personnages hauts en couleurs,que le cinéma a rendu familiers et qui firent les beaux jours de l'Ouest sauvage.

 

 

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Les photos de cet article ont été prises par l'auteur sur le site.

Je suis en outre redevable à l'historien américain Michael H. Piatt, spécialiste de Bodie, pour les anecdotes concernant quelques personnages qui vécurent plus ou moins brièvement à Bodie. Il est l'auteur d'un ouvrage intitulé :' Bodie "The Mines are Looking Well".

La photo d'époque représente Warren Loose, propriétaire de la première des 9 usines de concassage du minerai d'or de Bodie, et sa femme. Elle est datée de 1903 et figure dans l'ouvrage de M.H.Piatt...

 

Les Fantômes de Bodie
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24 juin 2014 2 24 /06 /juin /2014 18:30

 

De l'extérieur, on ne soupçonne même pas son existence. On est au mois de Juin, sur le territoire de la nation Navajo, au nord de l'Arizona. Il fait chaud, le ciel étale un bleu intégral au-dessus d'un paysage semi-désertique.

 

 

Et pourtant, là-dessous se trouve une merveille géologique, une cathédrale de l'érosion, le réseau de failles le plus photographié au monde, que des milliers et des milliers de touristes, dûment chapitrés par leurs guides indiens, parcourent chaque année, émerveillés de réussir des clichés aux couleurs tellement irréelles qu'elles semblent le produit d'un usage irraisonné de Photoshop.

 

 

Après s'être glissé dans une fente de la roche que rien ne semble particulièrement distinguer, voilà qu'on se retrouve, quelques mètres plus bas, au beau milieu d'un incroyable chaos minéral où la lumière, en cette fin de matinée, versée depuis le sommet de la fente, éveille d'infinies nuances de jaune, d'orangé, d'ocre, de mauve et de violet.

 

   

 

Mais ce qui frappe le plus, c'est la douceur des formes. La pierre, en fait un grès particulier, le 'Navajo soft stone', est polie à l'extrême, paraît littéralement onduler, couler, refluer, se lover en vagues sensuelles.

 

 

 

 

 

 

L'air, à l'intérieur du canyon, est incroyablement sec, il faut s'hydrater continuellement, et cependant l'impression dominante est celle d'une immersion dans un monde sous-marin où la clarté venue de la surface crée d'improbables irisations.

 

 

Les plongeurs en eau profonde doivent ressentir des sensations similaires. On a peine à imaginer que c'est pourtant l'eau, une eau tumultueuse et dévastatrice, qui, au long de millions et de millions d'années, a sculpté ces vagues immobiles et ces tourbillons figés.

 

 

 

Si le mois de Juin est normalement celui où l'hygrométrie est la plus faible, il n'en va pas de même le reste de l'année. La région connait de fréquents orages qui peuvent éclater soudainement avec une rare violence. Les pluies torrentielles qui en résultent remplissent d'abord les réservoirs naturels qui, une fois saturés, déversent brutalement un flot impétueux dans les canyons que ces mêmes pluies ont patiemment façonné dans la roche tendre au cours des millénaires.

 

 

Ce phénomène a un nom. On appelle cela des 'flash floods', des crues subites. Elles peuvent survenir alors que l'orage a frappé a des kilomètres de distance. Un flot boueux, chargé de débris, dont on a dit qu'il avait la couleur et la densité du chocolat, submerge alors ces canyons à fente, poursuivant sa route vers le lac Powell proche, sapant et érodant un peu plus à chaque passage les obstacles rocheux, jusqu'à leur donner cet aspect fantasmagorique et ce poli extrême propre à faire douter de la réalité minérale de ces épanchements aux couleurs subtiles.

 

 

Ces crues subites sont bien sûr un réel danger. A l'entrée du 'Lower Canyon', une plaque commémorative rappelle le tragique accident survenu le 12 Août 1997 où un groupe de 12 personnes fut surpris à l'intérieur du canyon par un tel événement. Il y eut 11 morts, dont sept touristes français et 2 corps ne furent jamais retrouvés. Depuis, les précautions sont extrêmes et l'accès au site est interdit en cas de menace d'orage.

 

 

C'est donc en toute sécurité que les touristes d'aujourd'hui peuvent parcourir ces étroits passages et s'émerveiller des couleurs irréelles que la lumière fait naître sur les parois, hautes, dans le 'Upper Canyon', jusqu'à 35 mètres. Il parait qu'il y a bien longtemps, des troupeaux d'antilopes vagabondaient dans les parages et empruntaient ces boyaux pour aller se désaltérer dans le lac Powell, d'où le nom. 

 

 

A l'approche de la sortie, les teintes subtiles sont gommées par le dur soleil, et la magie s'efface. On émerge enfin, tout étourdi par cet incroyable spectacle donné par la Nature et que rien ne laissait présager dans ce paysage âpre et désolé.

 

 

On a prétendu que le Lower Canyon fut découvert accidentellement en 1931 par une bergère indienne partie à la recherche d'un mouton égaré. Il semble infiniment plus vraisemblable que les Navajos connaissaient l'existence de ces canyons depuis fort longtemps et qu'ils considéraient ces merveilles de la nature comme des endroits sacrés. Ils nomment d'ailleurs dans leur langue le Upper Canyon 'Le Lieu où l'eau coule à travers les rochers' et assurent toujours avec le plus grand respect l'entretien des sites.

 

 

On peut imaginer sans peine la crainte admirative qui étreignait les premiers Navajos lorsqu'ils pénétrèrent dans ces lieux magiques où l'âme, comme la roche, est mise à nu, 

 

 

lls y retrouvaient peut-être le lien originel qui les reliait au Grand Créateur, celui qui animait les arbres, les roches, la terre, l'eau et le ciel. La nuit venue, tout disparaissait, mais, quand le lendemain le soleil revenait à l'aplomb des fissures, le prodigieux spectacle était renouvelé, merveilleux témoignage de la grandeur d'une Nature avec laquelle ils se sentaient si proches,  

 

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Antelope Canyon
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18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 18:04

J'aurais très bien pu naître armoire à linge, armoire à glace ou armoire à pharmacie, et pourquoi pas, armoire normande ou savoyarde, toute ornementée de belles moulures. Le sort hélas en décida autrement et je devins tout simplement une de ces armoires électriques urbaines qui semblent avoir poussé sur le bitume comme champignons après la pluie.

 

 

Avec mon allure terne et parallélépipédique on ne peut vraiment pas dire que je contribue à l'embellissement de la ville et les passants d'ailleurs m'ignorent superbement. Comme pour accentuer ma détresse, on m'a couverte d'un triste revêtement marron granuleux censé décourager les collages et graffiti sauvages en tous genres.

 

 

C'était sans compter sur l'opiniâtreté des barbouilleurs locaux qui vandalisent allégrement tout ce qui passe à portée de leurs bombes. Il ne me restait donc plus, entre deux séances de karcher appliqué brutalement par les justiciers municipaux, qu'à subir l'outrage honteusement en feignant l'indifférence.

 

 

C'est alors qu'une star de l'art urbain eût l'idée géniale de m'utiliser comme support de ses merveilleux portraits au pochoir.

 

 

Le succès fut immédiat et bientôt nombre de mes consoeurs se parèrent également de superbes oeuvres qui n'ussent pas déparé dans une galerie d'art à la mode.

 

 

 

On venait de loin pour nous contempler. On nous photographiait, nous les humbles, les modestes armoires aux portes closes sur de mystérieux compteurs dissimulés aux regards des passants. 

 

 

Nous existions enfin, nous étions devenues des oeuvres d'art qui participaient à l'enrichissement esthétique de la cité.

 

 

 

D'autres artistes suivirent l'exemple dans ce qui était devenu un musée à ciel ouvert.

 

 

Le dimanche, on venait en famille explorer le quartier à la recherche de nouvelles créations, un jeu de piste où les enfants excellaient.

 

 

C'était la fête, une vie nouvelle animait des rues autrement bien moroses.

 

 

Pendant un temps, tout se passa de la meilleure façon, mais les graffeurs sauvages, d'abord intimidés par des oeuvres avec lesquelles ils étaient bien incapables de rivaliser, commencèrent petit à petit à y mêler leurs gribouillis avec, comme conséquence ultime pour les armoires concernées, la karchérisation finale lorsqu'il devenait évident que le dessin initial n'était plus qu'un infame embrouillamini.

 

 

Les vandales à la bombe trouvèrent même, à l'occasion des élections à la Mairie de Paris, un allié inattendu en la personne de colleurs d'affiches trop zélés, qui trouvèrent terriblement intelligent de transformer le déjà célèbre fumeur à la cigarette en contribuable effrayé à la perspective d'une hausse prétendue des impôts locaux.

 

 

Mais le danger le plus insidieux vint de la notoriété même de l'artiste, dont les oeuvres étaient à présent exposées dans les meilleures galeries de par le monde et dont la cote, en salles de vente atteignait des niveaux jusqu'alors inégalés.

 

 

Il y avait à Vitry-sur-Seine une armoire que le Maître honora d'un superbe portrait de vieillard enturbanné. Les habitants du quartier l'aimaient bien ce portrait.  Or, par une sombre nuit d'hiver, des malfaiteurs d'un nouveau genre, espérant sans doute tirer profit du portrait, agressèrent sauvagement la pauvre armoire et arrachèrent brutalement la porte et le vieillard avec.

 

    

Dans le journal du matin suivant, on put voir la photo de la malheureuse dont la plaie béante laissait apparaître l'intimité de ses compteurs et de ses cables.

Triste sort en vérité que celui des armoires EDF qu'un artiste a tenté de soustraire à l'implacable fatalité qui les poursuit, pour finalement les exposer à un danger plus grand encore que sa notoriété fit naître.

 

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C215 (Christian Guémy) est à présent mondialement connu. Plusieurs de ses pochoirs sont toujours visibles le long de la Seine entre le quai d'Austerlitz et le pont National, ainsi qu'à Ivry et Vitry-sur-Seine, où il a son atelier.

 

Requiem pour une armoire défunte
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