Impossible de s'immerger dans le monde foisonnant des animaux
porteurs des souhaits et des aspirations des humains
sans rencontrer celui qui en est sans doute
le plus emblématique représentant,
à savoir Neko, le Chat.
Tout le monde a déjà rencontré les chats auspicieux,
les maneki neko.
Ils lèvent une patte et parfois la balancent d'avant en arrière,
la gauche ou la droite
selon qu'il s'agit de bonne fortune ou de bien-être personnel.
On les trouve à l'entrée d'un bar, d'un restaurant , d'un commerce
ou à l'intérieur du foyer familial.
Il arrive même qu'un commerçant, soucieux de pérenniser
le bon accueil qu'il réserve à sa clientèle
statufie le chat auspicieux à l'entrée de son échoppe.
Mais le chat est un être ambigu, jamais tout à fait domestiqué.
Patte de velours cachant des griffes acérées, il voit la nuit
et se déplace sans le moindre bruit.
Personne, mieux que Utagawa Kuniyoshi (1797-1861)
n'a illustré cet animal indéchiffrable.
Nekomata est un chat aux pouvoirs surnaturels
qui peut prendre une apparence humaine.
Mais il peut aussi revêtir un caractère démoniaque
et venir effrayer les humains sous la forme d'un chat monstrueux .
De nos jours cependant, le chat semble avoir mis de côté
son aspect diabolique pour se consacrer
à la consolation des humains nostalgiques de l'ère pré-industrielle.
Dans les Neko Cafés , après avoir jeté quelques yens
dans l'automate situé à l'entrée de l'établissement,
vous pouvez, tout en sirotant un café, un thé ou une orangeade,
passer une demi-heure en compagnie des félins ronronnants.
Le plus souvent d'ailleurs les lieux sont mixtes,
chiens et chats jouant, dans des salles différentes,
les dames de compagnie.
Chiens et chats ne sont pas les seuls à offrir ainsi leurs services.
Vous trouverez aussi dans les grandes agglomérations
des bars à lapins, des bars à chouettes ...
et même des bars à serpents.
Quelques réserves seraient toutefois à formuler
concernant ces derniers établissements
où le bien-être animal n'est pas à proprement parler
la préoccupation majeure des tenanciers.
A Kyoto, sur le pont Sanjo hashi qui enjambe la rivière Kamo,
on remarque deux étranges statues qui se font face,
l'une avec des bras démesurés
et l'autre avec des jambes qui n'en finissent pas.
Il s'agit respectivement de Te-Naga et de Ashi-Naga,
deux parmi les centaines et les centaines de yurei et de yokai,
ces créatures multiformes du panthéon mythologique japonais.
Ces deux-là, s'ils étaient réunis, formeraient un couple maléfique.
Deux gros volumes sont nécessaires pour répertorier
ces êtres surnaturels.
De la femme sans tête au dragon mangeur de concombres,
on passe en revue des monstres aquatiques, des êtres visqueux, gluants,
informes, cauchemardesques, des fantômes, des lutins,
des animaux fantastiques.
Une source inépuisable d'inspiration pour les créateurs de mangas
et de films d'animation.
Il est des temples où, dans la pénombre, on peut voir luire
l’œil jaune d'un monstrueux dragon
Ailleurs, on s'interrogera sur la représentation de curieux personnages
ou la présence d'une improbable sculpture.
Au dehors, la métropole bétonnée imposera
son rythme frénétique et sa géométrie impitoyable.
A Tokyo, le soir venu et si le temps est clair,
on apercevra Fuji-san , le Dieu Fuji.
Il continuera de veiller sur ce pays étrange
où, dans l'ombre des gratte-ciels
s'agite encore et toujours un bestiaire fabuleux.
Un pays où un simple caillou
disposé sur le sentier zen d'une maison de thé
peut indiquer au passant
la voie qu'il doit suivre sur le chemin de la vie.
oooOOOooo
(Toutes les photos de cette série ont été réalisées par l'auteur au cours d'un voyage au Japon effectué en Novembre 2019)