La Nature en Nouvelle-Zélande est si belle qu'elle en est devenue narcissique car, pour mieux contempler son image elle a créé des lacs-miroirs.
Le plus connu d'entre eux est probablement le lac Matheson.
Il se situe à proximité des grands glaciers, sur la côte ouest de l'île du Sud, celle que l'on désigne également sous le nom d'île de Jade.
Lorsque le temps est clair, ce qui est loin d'être souvent le cas dans cette région où il tombe annuellement des quantités invraisemblables de pluie, les montagnes environnantes effectuent un saisissant copié-collé inversé dans l'eau parfaitement immobile du lac.
Par une belle journée du printemps ou de l'été austral, à l'aube ou au crépuscule car ce sont les moments où seul le sillage d'un canard solitaire peut venir perturber la surface figée du miroir, on peut assister à un défilé de photographes munis de leur impressionnant matériel, venus fixer sur la pellicule la double vision des montagnes si parfaitement reflétées par l'eau qu'elles laissent planer un doute sur le sens dans lequel il convient de regarder ensuite la photo.
Si vous consultez le web à propos de ce lac-miroir, vous y trouverez sans doute des images de ce type :

(photo Guillaume le Nistour)
Je n'ai pas eu la chance de voir dupliquer tête bêche, telles les figures d'un jeu de cartes, les sommets enneigés illuminés par la lumière naissante des premières heures du jour ou goûtant, comme à regret, la douceur dorée d'un soleil déclinant.
Le ciel était bas et gris ce matin-là. Il bruinait insidieusement et les nuages avaient inexorablement effacé toute trace de montagne, réduisant l'horizon à ce qu'il aurait pu être avant que les grands bouleversements géologiques ne viennent perturber la surface de la terre.

Passés les premiers instants de déception, cheminant sur le petit sentier qui serpente autour du lac, il m'a bien vite été donné de constater que ce lieu avait décidément quelque chose de magique.
Bordé d'arbres vénérables résonnant du chant d'oiseaux inconnus dans nos contrées, parsemé de bosquets de fougères arborescentes et de cette drôle de plante au nom singulier de 'plumes du Prince de Galles', le chemin offre quantités d'échappées sur le monde inversé de l'autre rive, mettant singulièrement à l'épreuve notre conception du réel





Cette impression de dérèglement des sens, de perte des repères, est encore accentuée si l'on approche de la rive.




Un monde étrange, double, où l'image inversée semble plus réelle, plus profonde et plus nette que celle dont elle est le reflet.
Il parait que des anguilles géantes, parfois centenaires, habitent le lac et qu'il est possible de les apercevoir qui vous observent fixement de l'autre côté du miroir. Comment s'étonner dans ces conditions que les Maoris considèrent ces eaux comme sacrées.


Quand, le soir venu, j'ai repris la route, le beau temps était soudainement revenu comme il arrive souvent sous ces latitudes. Une douce lumière baignait la campagne alentour et les derniers rayons du soleil illuminaient le mont Tasman, très haut au-dessus du lac et de ses sortilèges.


Une dernière chose. On raconte qu'à l'automne, on peut trouver aux abords du lac un champignon dont la couleur est d'un bleu intense. Une espèce qui n'existe nulle part ailleurs dans le monde.
Un endroit , comme je vous le disais, décidément magique !
oooOOOooo
(la1ère photo mise à part, toutes les photos sont de l'auteur)