Il est toujours présomptueux de parler d'une ville que l'on a visitée trop brièvement. Ce fut mon cas récemment en ce qui concerne Berlin.
Au retour, il ne reste qu'un flot d'images que l'on a quelque peine à ordonner et une nuée d'impressions fugaces auxquelles il s'avère parfois difficile d'attribuer une quelconque logique.
Allez donc savoir pourquoi, ce sont les innombrables miroirs des châteaux de Potsdam qui, en fin de compte, m'ont laissé l'impression la plus tenace.
Il faut dire que dans ce royal ensemble de palais somptueux tout à la gloire de la Prusse et de Frédéric II, les miroirs sont si nombreux qu'ils semblent refléter à l'infini l'opulence du décor.
Cette profusion de glaces et de miroirs produit en fin de compte une impression troublante.
De retour en centre ville, je demeurai hanté par ces images réfléchies, diffractées, renvoyées d'un mur à l'autre, au point qu'elles finissent par désorienter le visiteur, et je commençai à regarder Berlin d'un autre oeil.
La Spree, parcourue par une multitude d'embarcations, enlaçait voluptueusement les majestueux bâtiments de l'Ile aux Musées. Par les fenêtres de ces derniers, on pouvait apercevoir, comme à travers un miroir, quelques monuments phares de la Cité.
A l'image de Potsdam, où un souverain, génial bâtisseur, avait voulu faire de son domaine le miroir de sa magnificence, Berlin était le miroir d'un passé tumultueux et, plus récemment, douloureux et tragique.
Impossible de parcourir la ville sans rencontrer, à un moment ou à un autre, un témoignage d'un passé révolu ou encore bien ancré dans les mémoires.
mémorial aux fugitifs est-allemands tués en tentant de franchir le Mur de Berlin
Mais c'est au crépuscule, alors que les ours fétiches s'apprêtent à rejoindre sagement leur tanière et que le célèbre petit bonhomme vert des feux de signalisation s'échappe pour se dégourdir un peu les jambes, que se révèle sans doute le mieux le côté miroir de cette ville singulière.
Tandis qu'un somptueux coucher de soleil embrase la Porte de Brandebourg, les vitres du Reichstag-Bundestag s'enflamment et de soyeux reflets viennent adoucir les stèles du Mémorial de l'Holocauste.
Dans EbertstraBe, les fenêtres des immeubles futuristes composent pendant un court instant de lumineux tableaux abstraits.
A Potsdamer Platz, c'est l'apothéose..
Alors que Berlin s'enflamme à l'orée d'une trépidante vie nocturne, dans les salles redevenues silencieuses des palais de Potsdam, les miroirs ne renvoient plus l'image des fastes d'antan. Ils réfléchissent - c'est le propre des miroirs - à l'étrange destinée de cette ville que l'on crut un temps anéantie à jamais, et qui ne cesse de nous surprendre.
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