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24 août 2019 6 24 /08 /août /2019 21:38

 

 

En 2014, il avait dessiné sur un mur d'une petite ville anglaise

un groupe de pigeons s'adressant à une hirondelle

et brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire :

 

'Les migrants ne sont pas les bienvenus''

 

'Retourne en Afrique'

 

'Laissez-nous nos vers de terre'

 

 

L'oeuvre a été effacée sur décision du maire

pour incitation à la haine raciale.

 

 

A Jérusalem, il a acquis et aménagé un hôtel

 

le Walled off hôtel

 

dont les chambres, meublées dans le plus pur style colonial anglais

offrent une vue imprenable sur le mur de séparation

 entre Israël et la Palestine

sur lequel il a d'ailleurs réalisé plusieurs œuvres .

 

 

A Paris, il avait apposé une Madone triste

sur la porte du Bataclan par laquelle étaient entrés les terroristes.

 

 

Elle a été découpée car ses œuvres se négocient à prix d'or 

sur le marché de l'art urbain. 

 

 

La petite fille qui efface une croix gammée 

a elle été vandalisée à maintes reprises...

 

 

 

L'espace Lafayette Drouot à Paris présente jusqu'au 29 Septembre 2019

une remarquable rétrospective de l'oeuvre du plus célèbre 

des maîtres de l'art urbain :

 

 

The World of Banksy

 

 

Pourfendeur infatigable de l'intolérance, de la guerre,

des dérives sécuritaires, du consumérisme et de la bêtise, 

ce britannique né en 1974 à Bristol

et qui protège farouchement son anonymat

manie avec virtuosité l'ironie grinçante, l'absurde et la métaphore.

Activiste iconoclaste et irrévérencieux 

il nous jette à la face 

les incongruités et les injustices de notre monde.

 

 

 

Une exposition dont il est difficile de sortir indemne.

 

 

oooOOOooo

 

 

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10 février 2018 6 10 /02 /février /2018 19:22

 

J'avais déjà évoqué dans un précédent article cet extraordinaire musée à ciel ouvert, consécration de l'architecture Art Déco, que constitue le centre de la jolie ville de Napier, sur la côte Est de l'île du Nord de la Nouvelle-Zélande.

Le visiteur qui en parcourt les rues se rend toutefois bien vite compte, qu’indépendamment des élégantes façades vintage, il existe aussi dans cette ville un deuxième pôle d'attraction qui ne manque pas de l'interpeller. Des fresques réalisées par des artistes du 'Street art', des 'murals' comme les désignent les anglo-saxons, parfois de très grandes dimensions, couvrent des pans entiers de murs, dans des cours, des parkings, sur le port, bref partout où un espace inutilisé a permis la réalisation de ces œuvres qui ont toutes en commun d'illustrer la vie marine. 

 

 

Dans cette fresque monumentale d'un réalisme saisissant, Freeman White, peintre néo-zélandais de renom, a représenté un grand requin blanc dans un milieu où évoluent requins-marteau et raies manta. En fait, cette fresque est un hommage au cinéaste Rob Stewart, disparu en janvier 2017 au cours d'une plongée dans la mer des Caraïbes pour en étudier la faune et les raisons de sa raréfaction.

Ce gros mérou jaune fait lui partie d'une fresque gigantesque du néo-zélandais Cinzah et du canadien Jason Botkin qui couvre la façade de l'Aquarium National sur 130m de long !

 

 

En y regardant de plus près, on constate cependant  qu'il y a quelque chose qui cloche dans la représentation que la plupart des artistes font du milieu marin. Cette mer là est polluée et charrie quantité de déchets, c'est une mer poubelle, les poissons sont malades, les coraux dépérissent, les espèces protégées sont menacées d'extinction. Les filets dérivants, les plastiques, piègent tortues et autres animaux marins, les oiseaux sont englués dans un pétrole visqueux, la montée des eaux semble inéluctable ...

 

 

J'ignore le nom de son auteur, mais ce petit pétrel, endémique à la Nouvelle-Zélande, va bientôt se retrouver victime d'une insidieuse marée noire.

 

 

Dans ces deux œuvres de l'australien Phibs, poissons et tortues marines sont piégés ou dépérissent à cause des déchets de toutes sortes qui polluent leur environnement. 

 

 

L'américaine Carry Ealey a illustré de son côté son impuissance face au réchauffement climatique et la montée du niveau des océans qui en résulte.

 

 

Pourquoi donc une telle unanimité à condamner le mal-être de ces océans qui couvrent 70% de la surface de notre planète bleue.???

L'initiative de cette exposition de fresques murales revient à une organisation basée aux Etats-Unis - tout le monde n'y partage pas les opinions du Président en exercice - qui répond au nom étrange de Pangeaseed Foundation.

Pangea  en grec signifie 'la Terre entière' et Seed (graine en français) est un acronyme pour Sustainability (durabilité, préservation de l'environnement), Education, Ecology, Design.

La vocation de cette Fondation est de sensibiliser les habitants des pays les plus à risque aux problèmes liés à la dégradation de l'environnement et au réchauffement climatique, ce qui inclut naturellement le problème de la pollution des océans.

 

 

Ce gros poisson rouge des australiens Meggs et Phibs finit prisonnier des innombrables déchets plastiques que l'inconscience humaine a légué aux océans.

Afin de toucher le plus grand nombre possible de personnes qui ne lisent pas forcément les revues spécialisées ou n'assistent pas aux débats et conférences sur le sujet, les dirigeants de la Fondation ont développé l'idée que les artistes pouvaient être les meilleurs ambassadeurs de la cause. C'est ainsi qu'est né le projet 'Seawalls", 'Artistes pour l'Océan', un 'artivisme' ciblant le grand public.

Depuis 2014, pas moins de 200 artistes de toutes nationalités ont réalisé 300 fresques murales dans 12 pays différents, dont le Canada, les Etats-Unis, le Mexique, Taiwan, le Vietnam, le Sri Lanka, et donc la Nouvelle-Zélande.

En ce qui concerne Napier, c'était la deuxième fois en 2017 que la ville accueillait cette manifestation à laquelle participèrent 25 artistes de 8 nationalités différentes, dont le français Julien Malland. alias le poétique Seth.

 

 

Il fustige ici dans une impressionnante fresque le massacre des baleines qui se perpétue en dépit des interdictions.

 

 

Se retrouver nez-à-nez au coin d'une rue ou sur le parking d'un supermarché avec l'une de ces œuvres conduit inévitablement à s'interroger sur la question environnementale qu'elle illustre.

 

 

Une autre dénonciation par Carry Ealey de la montée des eaux qui affecte particulièrement les riverains du Pacifique, tandis que le néo-zélandais Morag Shaw s'insurge contre la disparition programmée de la baleine de Bryde, des dauphins et des cormorans des îles Chatham, tous menacés par l'activité humaine.

 

 

La protection des espèces animales en voie ou menacées de disparition étant au cœur des préoccupations des néo-zélandais, plusieurs artistes ont choisi d'illustrer ce thème, qu'il s'agisse de mammifères marins, de variétés endémiques de pingouins ou d'oiseaux ou encore de cet étrange hippocampe feuillu, appelé aussi 'dragon des mers', illustré par les américains de Cracked Ink, qui n'existe que sous ces latitudes et qui est si recherché par les aquariophiles. 

 

 

Les pingouins à crête du Fjordland, dont le nombre est passé de 10,000 à 3,000 au cours des 35 dernières années font l'objet d'une grande fresque colorée de l'américaine Celeste Byers.

 

 

Ce thème des espèces menacées est repris de manière très délicate par Amanda Linn (USA) et les Dirty Bandits ('You will miss me' - Je vous manquerai) à propos de deux oiseaux endémiques des îles Chatham,  le sterne nereis (fairy tern) et le pétrel magenta (taiko), dont il ne resterait que 200 représentants.

 

 

 

 

La néo-zélandaise FLOX (Hayley King) a de son côté représenté en majesté deux otaries à fourrure, une espèce également en régression pour cause d'hyper activité humaine.

 

 

Mais c'est bien le problème de la pollution des océans qui a le plus été abordé par les artistes invités participant à cette manifestation.

Dans une grande fresque intitulée 'Recycling Kingdom'' (Le Royaume du Recyclage), le russe Rustam QBic a représenté 3 enfants sur le dos d'une baleine s'efforçant de construire une maison avec les déchets flottant à la surface de l'océan. Issus de milieux différents, ils symbolisent les générations futures récoltant le fruit de nos erreurs et de nos négligences.

 

 

 

 

A Napier, tout le monde connait la légende de Pania. Elle a sa statue sur Marine Drive et on la trouve partout représentée, y compris sur le mobilier urbain ... dans le style Art Déco bien sûr.

 

 

Il existe plusieurs versions de cette belle légende. Selon l'une d'elles, Pania, créature de l'Océan, s"était échappée du monde sous-marin qui était le sien pour épouser un humain, le beau guerrier Maori Karitoki, mais elle devait chaque matin regagner son domaine aquatique avant le lever du soleil car ses rayons ne devaient jamais effleurer son visage Or, il se trouva un jour, à la suite d'une ruse de Karitoki pour la garder plus longtemps auprès de lui que, malgré sa course, elle ne put regagner à temps le rivage. Elle fut aussitôt changée en rocher, le 'Pania's reef', que l'on peut toujours observer à l'entrée de la baie.

Les artistes de 'SeaWalls' ne pouvaient, bien évidemment, qu'être inspirés par cette légende, à commencer par le néo-zélandais Aaron Glasson qui a consacré à Pania une fresque magistrale. 

 

   

 

Dans cette oeuvre, Pania retrouve l'élément liquide, mais vous aurez remarqué que le fond de cet océan présente un aspect des plus inquiétants et que toute vie marine semble en être absente. En outre, les jambes de la belle paraissent se dissoudre, probable conséquence de pollutions acides causées par le rejet en mer de produits toxiques, une préoccupation majeure en Nouvelle-Zélande.

Sur un mode très différent, les australiens Maggs et Phibs ont représenté Pania sur son rocher, emprisonnée dans une bouteille et entourée d'une mer immonde charriant les détritus plastiques que notre négligence lui a laissé en héritage.

 

 

Il est possible, en parcourant les rues de Napier, de découvrir bien d'autres œuvres talentueuses traitant de problèmes environnementaux dans le cadre de cette manifestation.

A la différence de ce que l'on peut hélas constater fréquemment dans nos régions, ces fresques superbes ne subissent pas la pollution de graffiti indigents, preuve que le message qu'elles convoient est compris et respecté par les habitants..

 

 

On ne peut que souhaiter qu'à travers le monde,de nombreuses municipalités, conscientes de la gravité des problèmes environnementaux, accueillent des manifestations de ce genre et permettent à des artistes de tous horizons de venir ainsi bénévolement traduire par leur talent ce que nous pressentons mais préférons trop souvent ignorer et remettre à plus tard.

 

 

oooOOOooo

 

(Les photos des artistes Rustam QBic et Aaron Glasson à l'oeuvre à un stade préliminaire de leurs réalisations sont extraites du site du Napier City Council, les autres photos sont de l'auteur)

 

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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 22:38

 

 

Un sens interdit, stricto sensu, c'est un non-sens.

Simple question de bon sens.

 

 

Vous êtes tranquillement installé dans votre véhicule, les sens en alerte, occupé, tout en conduisant, à écouter du Saint-Saens, et voilà qu'une grosse barre blanche sur fond rouge se dresse soudain devant votre route.

Sens interdit

 

 

C'est insensé. 

Vous êtes de toute évidence dans le mauvais sens.

Vous en restez interdit.

 

 

Le temps de reprendre vos sens, tout en marmonnant que tout cela n'a aucun sens, vous repartez en sens contraire, mais dans le sens des aiguilles d'une montre.

 

 

C'est alors que vous vous rendez compte que vous êtes à contresens.

Que faire ?

 

 

On vous reconnait d'ordinaire une certaine dose de sens pratique, voire même une pointe de sens critique, mais voilà que cette fois vous agissez en dépit du bon sens.

Cela n'a vraiment pas de sens.

 

 

Il ne vous reste plus, cela tombe sous le sens, qu'à vous arrêter et, plutôt que de mettre sens dessus dessous le contenu de votre boite à gants, à réfléchir sur le sens de cette histoire.

 

 

Vous avez beau toutefois secouer vos pensées dans tous les sens, le sens caché de cette situation vous échappe.

Rien ne semble aller dans le bon sens.

 

 

Que signifient en fait toutes ces interdictions ?

Interdiction de séjour. Interdiction de stationner (tiens, vous vous trouvez justement garé sous l'un de ces panneaux !).

 

 

Pelouse interdite aux chiens. Comme si les chiens savaient lire !

Accès interdit aux gens de couleur. Comme si le blanc n'était pas une couleur

 

 

Tout est à double sens.

Vous vous souvenez soudain de vos cours de géométrie dans l'espace :

Une droite a une seule direction et deux sens.

 

 

Comment donner un sens à sa vie ?

Au sens propre ou au sens figuré ?

 

 

Allons !  Ne divaguez pas !

Et ne cédez surtout pas au découragement !

 

 

Il faut à présent repartir.

Dans le sens de la marche, du courant, du poil, du vent...

 

 

Mais ne voila-t-il pas que vous, qui aviez jusqu'alors le sens du devoir et des responsabilités, succombez soudainement aux plaisirs des sens.

Quelle indécence !

 

 

C'est alors qu'à votre insu votre véhicule s'arrête à nouveau.

Vous êtes cette fois bel et bien ... en panne d'essence !!!

 

 

oooOOOooo

 

A l"exception de la première image qui représente un panneau de chantier, tous les détournements de signalétique urbaine photographiés dans cet article sont des oeuvres du peintre et sculpteur français Clet Abraham né en 1966 et qui vit et travaille en Italie depuis 1990.

Il tend, par le moyen de ces détournements, à substituer à l'unilatéralité du message transmis par ces panneaux, une idée de réversabilité conduisant à une lecture différente et souvent humoristique du message.

Ce qui n'est pas toujours, il faut bien le dire, du goût des autorités concernées.

Sens interdits
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8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 15:37

 

Il est une ville, baignée par les eaux froides du Pacifique, qui ne ressemble à aucune autre. Une ville montagne russe où 47 collines jouent à saute-moutons. Une ville où le climat fantasque peut, en plein cœur de l'été, vous faire passer sans crier gare d'une chaleur étouffante à un froid mordant.

San Francisco, rebelle et fière de l'être, se moque bien des conventions.

 

 

Bien sûr, il y a les clichés, le Golden Gate, les cable cars, Alcatraz et les lions de mer de Fisherman's wharf, mais ce qui frappe le voyageur curieux, c'est qu'ici, à la différence de tant de cités qui déclinent l'infinie varieté des palettes de gris, on a vraiment l'impression que les habitants disposent en permanence d'un libre accès à une réserve inépuisable de peinture vive dont ils usent à discrètion.

 

 

 

Un peu partout en ville, on rencontre ces adorables maisons-patisseries aux teintes acidulées, qui paraissent tout droit sorties d'une BD haute en couleurs.

 

 

 

 

 

Ici, on aime sa ville et son joli pont, et on le fait savoir  Pas étonnant dans ces conditions si on le représente sur la façade de sa maison.

 

 

En fait, les murs de San Francisco racontent bien des choses. Qu'il s'agisse d'un imaginaire idyllique ou de la nostalgie des beaux jours du Summer of Love, là où est né le mouvement Hippie dans les années 60, les murs sont les médiateurs des aspirations, des révoltes et des rêves des habitants.

 

 

 

 

 

 

Mais ce qui caractérise par dessus tout, et qui a fait la réputation des fresques murales de San Francisco, c'est qu'ici, l'indignation s'est exprimée dès les années 80 à la brosse et au pinceau et se poursuit toujours aujourd'hui au pochoir et à la bombe aérosol.

A Balmy Alley, dans le quartier de Mission, qui jouxte Castrolà où flotte le drapeau arc-en-ciel des libertés homosexuelles, les déracinés mexicains, les Chicanos, dignes successeurs de Diego Rivera, rejoints ensuite par d'autres exilés de toute l'Amérique latine, ont peint sur les murs et les portes de garage leur désaccord avec la politique menée par les Etats Unis dans leurs pays d'origine, célébrant au passage Monseigneur Oscar Romero qui affirmait  :"Personne ne devrait jamais obéir à une loi injuste". 

 

 

 

 

 

C'est pourtant, au coeur du même quartier, à la vue de l'incroyable, de l'invraisemblable façade de la Maison des Femmes que l'on mesure vraiment l'extraordinaire force d'expression de l'imagerie murale. Ces fresques sont l'oeuvre de sept muralistas assistées de quelques volontaires, qui ont voulu ainsi glorifier le pouvoir féminin et les luttes des femmes à travers le monde.

 

 

 

 

 

 

Il y a des milliers de fresques murales à San Francisco. Si nombre d'entre elles sont toujours l'expression de revendications ou d'indignations, la pure expression artistique y tient toujours une large part et les centimètres carrés disponibles en certains lieux sont chèrement disputés.

 

 

 

 

 

 

 

Dans le quartier de Haight-Ashbury, un nostalgique du Flower Power est absorbé dans ses souvenirs. Le drôle de dinosaure disséqué par Nichos semble, lui, affalé sur les véhicules d'une civilisation qu'il a renoncé à comprendre.

 

 

 

Sur un mur de Clarion Alley, ou même le sol a été recouvert de dessins colorés, la rêveuse pêcheuse d'étoiles du regretté Moebius semble quitter avec regret le monde interstellaire.

 

 

 

Les feux dorés du couchant illuminent une dernière fois la Baie où se silhouette le célèbre pont qu'ici on aime tant.

Une ville décidément pas comme les autres...

 

 

oooOOOooo

 

 

 

 

 

Les couleurs de San Francisco
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18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 18:04

J'aurais très bien pu naître armoire à linge, armoire à glace ou armoire à pharmacie, et pourquoi pas, armoire normande ou savoyarde, toute ornementée de belles moulures. Le sort hélas en décida autrement et je devins tout simplement une de ces armoires électriques urbaines qui semblent avoir poussé sur le bitume comme champignons après la pluie.

 

 

Avec mon allure terne et parallélépipédique on ne peut vraiment pas dire que je contribue à l'embellissement de la ville et les passants d'ailleurs m'ignorent superbement. Comme pour accentuer ma détresse, on m'a couverte d'un triste revêtement marron granuleux censé décourager les collages et graffiti sauvages en tous genres.

 

 

C'était sans compter sur l'opiniâtreté des barbouilleurs locaux qui vandalisent allégrement tout ce qui passe à portée de leurs bombes. Il ne me restait donc plus, entre deux séances de karcher appliqué brutalement par les justiciers municipaux, qu'à subir l'outrage honteusement en feignant l'indifférence.

 

 

C'est alors qu'une star de l'art urbain eût l'idée géniale de m'utiliser comme support de ses merveilleux portraits au pochoir.

 

 

Le succès fut immédiat et bientôt nombre de mes consoeurs se parèrent également de superbes oeuvres qui n'ussent pas déparé dans une galerie d'art à la mode.

 

 

 

On venait de loin pour nous contempler. On nous photographiait, nous les humbles, les modestes armoires aux portes closes sur de mystérieux compteurs dissimulés aux regards des passants. 

 

 

Nous existions enfin, nous étions devenues des oeuvres d'art qui participaient à l'enrichissement esthétique de la cité.

 

 

 

D'autres artistes suivirent l'exemple dans ce qui était devenu un musée à ciel ouvert.

 

 

Le dimanche, on venait en famille explorer le quartier à la recherche de nouvelles créations, un jeu de piste où les enfants excellaient.

 

 

C'était la fête, une vie nouvelle animait des rues autrement bien moroses.

 

 

Pendant un temps, tout se passa de la meilleure façon, mais les graffeurs sauvages, d'abord intimidés par des oeuvres avec lesquelles ils étaient bien incapables de rivaliser, commencèrent petit à petit à y mêler leurs gribouillis avec, comme conséquence ultime pour les armoires concernées, la karchérisation finale lorsqu'il devenait évident que le dessin initial n'était plus qu'un infame embrouillamini.

 

 

Les vandales à la bombe trouvèrent même, à l'occasion des élections à la Mairie de Paris, un allié inattendu en la personne de colleurs d'affiches trop zélés, qui trouvèrent terriblement intelligent de transformer le déjà célèbre fumeur à la cigarette en contribuable effrayé à la perspective d'une hausse prétendue des impôts locaux.

 

 

Mais le danger le plus insidieux vint de la notoriété même de l'artiste, dont les oeuvres étaient à présent exposées dans les meilleures galeries de par le monde et dont la cote, en salles de vente atteignait des niveaux jusqu'alors inégalés.

 

 

Il y avait à Vitry-sur-Seine une armoire que le Maître honora d'un superbe portrait de vieillard enturbanné. Les habitants du quartier l'aimaient bien ce portrait.  Or, par une sombre nuit d'hiver, des malfaiteurs d'un nouveau genre, espérant sans doute tirer profit du portrait, agressèrent sauvagement la pauvre armoire et arrachèrent brutalement la porte et le vieillard avec.

 

    

Dans le journal du matin suivant, on put voir la photo de la malheureuse dont la plaie béante laissait apparaître l'intimité de ses compteurs et de ses cables.

Triste sort en vérité que celui des armoires EDF qu'un artiste a tenté de soustraire à l'implacable fatalité qui les poursuit, pour finalement les exposer à un danger plus grand encore que sa notoriété fit naître.

 

oooOOOooo

 

C215 (Christian Guémy) est à présent mondialement connu. Plusieurs de ses pochoirs sont toujours visibles le long de la Seine entre le quai d'Austerlitz et le pont National, ainsi qu'à Ivry et Vitry-sur-Seine, où il a son atelier.

 

Requiem pour une armoire défunte
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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 18:50

 

Partir allègrement, le nez en l'air et l'appareil photo en bandoulière, à la chasse au 'street art'' dans le 13ème arrondissement de Paris, c'est, pour celui qui pratique ce sport, l'occasion de comprendre soudain, au détour d'une rue, ce qu'a pu ressentir Gulliver lorsque, à l'occasion de son deuxième voyage, il débarqua à Brobdingnag, l'île des géants.

 

JanaundJs - 110, rue Jeanne d'Arc (2011)

 

Ne voila t'il pas que l'innocent photographe se retrouve lui-même objet d'une vive curiosité de la part de ces géants, hauts parfois de dix étages, qui paraissent amusés de découvrir cet intriguant petit personnage venu à leur rencontre.

 

Auteur non connu - Oeuvre maintenant détruite ayant figuré sur la Tour 13

 

L'intrépide explorateur n'est pas au bout de ses surprises car ce monde gargantuesque, au fur et à mesure qu'il le découvre, se révèle d'une étonnante diversité.

 

 

Seiner - 13, avenue de la Porte d'Italie

 

Ignorant l'infernale rumeur du périphérique à ses pieds, cette étrange figure, déité sans doute d'un monde champêtre disparu, semble habitée de visions crépusculaires.

 

Jorge Rodriguez-Gerada - Portrait de Philippe Pinel - place Pinel - (2013)

 

Ici, ce digne personnage d'un autre temps, parait trouver tout à fait normal d'avoir sauté deux siécles sans même y prendre garde.

 

Shepard Fairey (OBEY) - 'Rise above rebel' - 93, rue Jeanne d'Arc - (2012)

 

Là, une passionaria rêveuse se remémore les combats héroiques de la lutte révolutionnaire.

 

Alapinta Crew (Maher & Aner) - 'Tierra Madre' - 50, rue Jeanne d'Arc - (2011)

 

Pacha Mama en personne, la Terre Mère des amérindiens, est là aussi, qui nourrit les humains de ses bienfaits.

 

STEW - Oeuvre maintenant détruite, ayant figuré sur la Tour 13 - (2013)

 

Un pélerin japonais poursuit pendant ce temps sa quête d'éternité.

 

Inti - 'Our utopia is their future' - 129, avenue d'Italie - (2012)

 

Ces êtres immenses ne seraient-t'ils en fait que des marionnettes manipulées par un créateur gigantesque ?

 

Inti - école Lahire, 8, rue Lahire - (2011)

 

Qu'en est-il alors de ce curieux dormeur vêtu d'un étonnant patchwork aux couleurs vives?

 

  

STEW - 'Le Grand Héron Bleu' - place de Vénétie - (2013)

 

Dans ce monde épris de gigantisme, les animaux eux-mêmes ont atteint des proportions colossales.

 

C215 - angle boulevard Vincent Auriol et rue Nationale

 

Et le chat qui guette les oiseaux est devenu quant à lui un monstrueux félidé.

 

 

SETH - 2, rue Emile Deslandres

 

Il apparait pourtant, passée la surprise initiale, que ces géants ont su préserver un monde enchanté où rêve et poésie se côtoient. 

 

Cyril Vachez & David N. - 'De tous pays viendront tes enfants' - angle rue des Malmaisons et avenue de Choisy - (1988)

 

Il y a dans leur regard quelque chose de l'innocence originelle.

 

C215 - école Dorée, 90, boulevard Vincent Auriol - (2011)

 

Leur monde est un monde magique, à mille lieues de notre univers déjanté et chaotique.

 

M-City - 122, boulevard de l'Hôpital

 

A la cruelle rigidité d'un machinisme dévorant et impitoyable ...

 

SETH & Kislow - 29, rue des Cordelières - 

 

... ils opposent le monde oublié de l'enfance et du rêve.

 

C215 - 'Nina et Nina' - rue des Frères d'Astier de la Vigerie, angle rue Baudricourt / avenue d'Ivry - (2013)

 

Nous croyons les regarder, mais c'est en fait sur nous que leurs regards se posent.

 

Vhils - 173, rue du Château des Rentiers

 

Leur questionnement muet, obsédant, nous interpelle.

 

Claudio Ethos - stade Carpentier, boulevard Masséna

 

Boulevard Masséna, un vent impétueux essaie en vain de chasser hors les murs ces envahisseurs hors normes.

 

JanaundJs - 110, rue Jeanne d'Arc - (2011)

 

Notre promeneur photographe qui aura parcouru en tous sens les rues et les ruelles de ce singulier Arrondissement reviendra de sa chasse aux géants avec quelque chose de plus précieux encore que ses chers clichés.

 

C215 - 'Mélancolique' - avenue de Choisy, à côté du lycée Gabriel Fauré

 

Il gardera l'image d'un monde merveilleux et magique où les murs lui rappelent qu'au delà de la fureur et du bruit de la ville, il y a toujours au fond de nous une petite part de poésie qui ne demande qu'à éclore, fleur fragile et qu'il faut protéger.

 

oooOOOooo

 

Ils viennent de Cuba, de Pologne, des USA, de France, du Chili, du Portugal, du Brésil, et d'autres pays encore. La Municipalité du 13ème Arrondissement de Paris a eu la clairvoyance de leur confier, avec la collaboration active des propriétaires des immeubles concernés, la réalisation de grandes fresques qui égaient à présent de nombreux murs de cette partie de la capitale.et attirent chaque jour plus de visiteurs amateurs du 'street art'. Ces artistes talentueux ont su insufler une vitalité nouvelle à des quartiers attachants.

 De par leurs caractéristiques 'monumentales', ces fresques ont, pour la plupart, la chance d'échapper aux dégradations des graffiti sauvages que des tagueurs barbouilleurs infligent trop souvent à de superbes oeuvres. Ce ne fut malheureusement pas le cas pour la belle fresque de ZED, rue Watt, 'la Locomotive', que sa position trop à la portée des gribouilleurs vandales a conduit à sa perte.

Mais n'est-ce pas après tout le caractère éphèmère de l'art de la rue qui en rend émouvantes les réalisations les plus sensibles ?

 

 

 

Les Géants de Paris 13
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15 novembre 2013 5 15 /11 /novembre /2013 19:25

 

Il faut bien le reconnaître, un radiateur, surtout s'il n'est plus dans sa prime jeunesse, n'est pas particulièrement esthétique. Hantise des décorateurs d'intérieur, on cherche le plus souvent à le dissimuler honteusement plutôt qu'à le mettre en valeur. Ceux de la Tour 13, vouée à la démolition dans le 13ème Arrondissement de Paris, n'échappaient pas à la règle et la perspective d'une fin prochaine les rendait infiniment moroses. C'est alors que, sans crier gare, les stars du Street Art international investirent un beau jour la Tour pour la transformer d'un coup de bombe magique en Temple éphémère de l'Art Urbain.

 

 

Les radiateurs se trouvèrent soudainement propulsés du rang de figurants anonymes à celui d'acteurs à part entière d'un film dont le sujet différait à chaque étage et dans chaque pièce.

 

 

Ils eurent l'insigne honneur de donner la réplique aux vedettes.

 

 

On les habilla de brillantes couleurs.

 

.

 

On revêtit l'un d'eux d'un costume de lumière.

 

 

Un autre fut absorbé dans un décor inquiètant.

 

 

Certains se virent attribuer un rôle dans des drames intimistes.

 

 

D'autres connurent l'angoisse de polars haletants.

 

 

D'autres encore jouèrent les second rôles de films d'épouvante. 

 

 

Les plus audacieux s'emparèret du premier plan des séquences d'action.

 

 

Les chats, ces éternels frileux, vedettes des films animaliers, vinrent leur tenir compagnie entre deux tournages, 

 

 

Les radiateurs avaient le sentiment d'être enfin reconnus. Ils connaissaient leur heure de gloire.

 

 

Eux, les mal-aimés, plus à l'aise dans les recoins abrités des regards, se retrouvaient au centre de scènes d'apocalypse, mitraillés par les flashs de milliers de visiteurs.

 

 

Certains en perdirent la raison et en vinrent à commettre l'irréparable.

 

 

On retrouva même à la cave un radiateur hébété, figé devant l'horreur de son crime.

 

 

Je ne sais pas s'il existe un au-delà pour les radiateurs, mais quand sonnera l'heure de la démolition finale et qu'ils finiront à la casse, il conviendra de beaucoup pardonner à ces fidèles compagnons de nos hivers douillets car ils n'étaient pas faits pour cette soudaine mise en lumière.

 

.

Je préfère imaginer, qu'avec la discrétion qui leur est coutûmière, ils auront quitté sur la pointe des pieds ces fresques étonnantes qui illuminèrent, le temps d'un automne, les murs tristounets d'une tour ordinaire.

 

oooOOOooo

 

Les radiateurs de la Tour 13
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