Je dois bien l'avouer, j'ai un faible pour le jardin du Luxembourg,
le Luco, comme les parisiens l'appellent familièrement.
Il y fait si bon par les chaudes journées d'été.
Mais ce que j'aime par dessus tout, c'est son vénérable bassin
- il date de 1612 tout de même -
miroir du somptueux palais où les sénateurs tiennent séance.
En fait, la véritable raison de cette passion
c'est le plaisir d'y regarder évoluer les jolis voiliers de location
qui se croisent, s'inclinent, se balancent, filent ou voguent paresseusement
sur des eaux aux reflets changeants.
Cela fait plus de 130 ans que les petits voiliers,
soigneusement entretenus et repeints à chaque belle saison,
font la joie des enfants, petits et grands.
Les garçons sages en col marin et les petites filles en bottines
ne suivent plus des yeux leurs fragiles esquifs.
Les chaisières ne collectent plus les quelques sous qu'il fallait débourser
pour l'usage des fauteuils et des chaises du jardin.
Aujourd'hui, les gamins venus des quatre coins du monde
- il y a tant de touristes à Paris -
lancent avec des cris de joie leurs voiliers sur le plan d'eau.
Les parents, quant à eux, agitent leurs perches à selfie
comme autant de mâts dans un port de plaisance.
Et les jolis bateaux tanguent, se coursent et virent de bord.
Ils ont des couleurs vives et battent pavillon de divers pays.
Les plus demandés sont l'hippocampe et le pavillon noir du bateau pirate.
Le soir venu, le loueur chaussera ses grandes bottes et ira délivrer
le malheureux esquif encalminé contre la fontaine, redoutable récif.
Les régates terminées, les canards retrouveront leur petite maison,
au centre du bassin, que l'agitation vélistique de la journée
leur avait fait fuir au profit de lieux plus sereins.
Et les enfants, en s'endormant, rêveront aux lointains rivages
vers lesquels leur joli voilier les avait sans nul doute portés.
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