Pour la communauté des amoureux de l'Italie, je réédite ce petit conte, vieux déjà de quatre ans.
(Overblog et Deezer étant ce qu'ils sont, les cloches de l'église ne sonnent plus et les grillons se sont tus, mais j'ose espèrer que le charme toscan opérera encore !)
Le soleil était déjà haut dans le ciel quand, par une chaude matinée d'été, Padre Francesco mit le nez à sa fenêtre.
Il se dit alors avec ravissement que la journée s'annonçait absolument splendide.
Sous ses yeux, des champs verdoyants s'étendaient à perte de vue, nimbés dans le lointain d'une brume annonciatrice des torpeurs de midi.
Les toits de couleur brique se chevauchaient dans un savant désordre.
Ils cédaient la place par endroits à d'étroites ruelles où flottaient encore les bannières honorant le cortège d'un saint patron.
Ailleurs, ils révélaient l'existence de fraîches et discrètes oasis que l'on ne pouvait apercevoir que d'en haut.
Une blanche colombe roucoulait au dessus de la fenêtre et le parfum ennivrant du jasmin saturait l'air alentour.
Padre Francesco s'imprégnait de toutes ces merveilles et rendait grâce au Créateur de lui avoir permis de vivre en en lieu aussi magnifique.
Il devait visiter le jour même une noble dame, très fortunée, qu'il sollicitait pour la remise en état d'une chapelle fort délabrée.
Il se mit donc en route un peu plus tard, et comme il était en avance, il décida de faire un grand détour par les remparts pour savourer à loisir le délicieux spectacle qui s'offrait à lui.
Des cascades de fleurs odorantes ruisselaient des cours et des balcons qu'il longeait..
La chaleur était maintenant bien présente et il y avait comme une vibration dans l'air qui répondait au chant strident des grillons.
Lorsqu'il atteignit enfin les remparts, le soleil était de plomb et Padre Francesco était bien essoufflé et transpirant.
Par les ouvertures du chemin de ronde, il pouvait contempler un paysage fin prêt à être couché sur le papier brillant des cartes postales.
C'est alors qu'auprès d'un olivier centenaire, il avisa un banc fort opportun et ne put résister à l'envie de s'y asseoir.
Le chant des oiseaux, la chaleur et les grillons aidant, il sombra bientôt dans un profond sommeil.
Il rêva tout d'abord d'un lac merveilleux.
Ses eaux avaient par endroits la couleur de l'émeraude.
Pas une ride ne venait troubler sa surface. C'était l'image même de la sérénité.
Padre Francesco rêva ensuite aux innombrables dons qui ne manqueraient pas d'affluer pour la restauration de sa chapelle.
Ce furent les cloches de l'angelus du soir qui le tirèrent brutalement de sa douce rêverie
Il avait passé tout l'après-midi à dormir et, bien entendu, totalement oublié son rendez-vous avec la noble dame.
Honteux d'avoir ainsi succombé aux langueurs estivales il redescendit des remparts en toute hâte avec l'espoir, certes.bien mince, de pouvoir toujours honorer l'entrevue programmée.
Les passants qui croisèrent la route de Padre Francesco en ce jour mémorable se souviennent encore de l'allure vertigineuse avec laquelle il dévalait les escaliers menant au centre ville où résidait la dame en question.
Comme il était à craindre, la dame s'était lassée, et tandis que Padre Francesco se présentait enfin devant sa demeure, il trouva porte close.
Dire que le remords du Padre fut grand serait une bien faible affirmation. Pendant des jours, il se refusa à quitter sa cellule.
Si d'aventure il passait devant une fenêtre donnant sur la campagne, il détournait les yeux de peur de ne pouvoir résister à l'appel d'une si riante nature.
C'est ainsi que, par la faute du Padre Francesco, de superbes fresques auraient, encore aujourd(hui, bien besoin d'être restaurées.
Mais comment ne pas penser que la Vierge, qui, malgré les outrages du temps, n'a pas cessé de veiller sur une aussi douce Nature, a finalement pardonné au Padre de n'avoir su résister à tant de splendeur.
oooOOOooo
La Toscane et l'Ombrie ont servi de cadre à cette petite fable, principalement Sienne, San Gimignano, Assise, Gubbio, Castiglione del Lago et le lac Trasimène, de merveilleux endroits en vérité.