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25 avril 2020 6 25 /04 /avril /2020 18:22

 

Des images qui se chevauchent

dans la fausse incohérence des rêves.

 

Souvenirs enfouis, tableaux admirés

et que l'inconscient fait resurgir.

 

Univers à l'inquiétante beauté.

 

Stridences.

 

Apesanteur

 

Labyrinthes aveuglants.

 

Le chaos,  et soudain le silence.

 

 

Et la mer ... toujours !

 

 

 

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13 février 2020 4 13 /02 /février /2020 12:53

 

Le Musée du Louvre, à l'occasion du centenaire du Maître de "l'outrenoir", a choisi de l'honorer en lui offrant pour quelques semaines l'écrin prestigieux du Salon Carré, là même où au XVIIIe siècle les membres de l'Académie Royale de peinture et de sculpture présentaient leurs œuvres au public.

 

Il ne s'agit pas d'une grande rétrospective car n'y sont accrochées qu'une vingtaine de toiles, mais d'un hommage sous la forme d'une présentation chronologique d’œuvres marquant les étapes dans la démarche de l'artiste, depuis les entrelacs tourmentés du début jusqu'aux calmes polyptyques récents où le noir a définitivement englouti les derniers îlots de blanc.

 

Dans la salle, que des groupes de visiteurs traversent en un flot ininterrompu, quelques amoureux de Soulages méditent devant les tableaux tandis que, pandémie oblige, des touristes asiatiques passent en nombre, portant un masque blanc sur le visage.

 

Sortant de l'éblouissante Galerie d'Apollon voisine, récemment ré-ouverte au public, beaucoup ont encore dans les yeux le scintillement aveuglant des diamants de la Couronne. Ils paraissent surpris, pénétrant dans cet espace blanc,  par le puissant contraste qui y règne avec les sombres toiles exposées.

 

Certains visiteurs s'immobilisent un instant pour photographier les ors et les stucs du somptueux plafond puis, rejoignant le fanion agité par leur guide, s'engagent d'un pas résolu dans la Grande Galerie pour y passer en revue les peintres italiens des XIVe - XVIe siècles. 

 

Ils n'ont que peu de temps pour parcourir les "must" de l'immense musée, car il restera ensuite la Tour Eiffel, Montmartre et pour finir une soirée au Moulin Rouge ...

 

Savent-ils, ces visiteurs, que l'artiste qui a peint ces toiles est un très vieux monsieur ? Il a l'âge des vieux chênes dont les bras noueux s'entremêlent comme le font, dans ses premières œuvres, les traces épaisses laissées par le passage de la brosse.

 

 

Ont-ils conscience que, de même que les planches disjointes d'une très ancienne palissade permettent au passant d’apercevoir le jardin secret qu'elles enserrent, ces grands coups de brosse dévoilent dans leurs interstices des paysages oniriques ?

 

 

N'ont-ils pas remarqué que, de même que l'eau vive d'un torrent laisse transparaître le lit qu'elle recouvre, des teintes ensevelies éclairent parfois les noires coulées  qui les submergent ?

 

 

De même que les mers chaudes laissent éclater la nuit d'étranges phosphorescences, ne se sont-ils pas étonnés que ce noir qui semblait de loin si lisse charriait en fait des éclats de lumière, qu'il était labouré de sillons, d'entailles, de cicatrices, de récifs, d'amers et que la matière s'y déversait parfois en cataractes ?

 

 

N'ont-ils pas vu enfin que ce noir était lumière, que, à l'image de la Méditerranée que le peintre contemple du haut de sa demeure sétoise, il change constamment, sans cesse "recommencé", selon l'angle par lequel on l'aborde ou l'avancement du jour, qu'il vibre comme le fait la mer par temps calme ?

 

 

Certains ne verront dans l'oeuvre de Soulages qu'une recherche systématique, quasi scientifique, une vie durant, des réflexions de la lumière sur une surface noire.

 

En ce qui me concerne, ses dernières œuvres, les grands polyptyques, me font inévitablement penser à des paysages marins nocturnes, quand tout est tranquille et que seul est perceptible le souffle de la mer. L'agitation que l'on constate au plus près de la toile cède la place, avec un peu de recul, à une grande sérénité.

 

 

Textures lisses et zones striées alternent dans ces tableaux qu'inonde une "obscure clarté". Le parallélisme des lignes, que des débordements de matière font paraître frangées d'écume,  me rappelle les ondes qu'une mer d'un noir profond pousse avec une régularité de métronome sur le sable d'un rivage qui parait gris sous l'éclat lunaire. 

 

 

Peut-être après tout que le Maître qui, dans la pure tradition japonaise, place un galet noué à la porte de son atelier pour signifier qu'il n'entend pas être dérangé pendant son travail, a ressenti cette même impression en contemplant un tableau qu'il venait tout juste d'achever ?

 

 

 

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31 janvier 2020 5 31 /01 /janvier /2020 16:48

 

Laissez pour un instant voguer votre imagination.

 

Vous êtes en 1989, sur les hauteurs d'Antibes.

 

Il fait nuit.

 

Les cigales, dans les oliviers centenaires,

ont depuis longtemps déjà interrompu leur chant.

 

Dans l'atelier de la superbe villa futuriste 

dont le propriétaire a conçu les moindres détails,

il y a de la lumière.

 

Approchez

 

La musique envahit l'espace, Bach surtout,

mais aussi Vivaldi, et parfois Stravinsky.

 

L'artiste est là, devant une toile immense.

 

Il est célèbre et couvert d'honneurs

mais sa santé est déclinante.

 

Amputé d'une jambe, lui, l'allemand qui combattait les nazis

au sein de la Légion étrangère,

il est cloué sur sa chaise roulante.

 

Voilà deux ans qu'il a perdu l'amour de sa vie

Anna-Eva Bergman

dont l'atelier, à côté, reste plongé dans le noir.

 

Il n'a plus que quelques mois à vivre.

 

Hans Hartung regarde, immobile,

cette toile gigantesque installée devant lui.

 

Il n'a plus la force de gratter, de scarifier, de racler, de griffer,

d'éclabousser la toile, comme il le faisait jusqu'alors

à l'aide de cette improbable panoplie d'instruments

qu'il avait lui-même fabriqués.

 

C'est désormais à distance qu'il affronte le support.

 

Ses assistants préparent les couleurs qu'il a choisies

et testent la 'sulfateuse',

ce pulvérisateur de jardin intensément bricolé

avec lequel il va littéralement libérer sa peinture,

donnant naissance, dans l'improbabilité des coulures,

à d'extraordinaires paysages sensoriels,

explosions, éruptions, jaillissements, bouillonnements,

véritable hymne  à la vie magnifié par le format retenu.

 

360 œuvres seront réalisées au cours de la seule année 1989,

l'artiste ne quittant l'atelier 

qu'une fois le sol de l'atelier entièrement tapissé

des toiles en cours de séchage.

 

Le Musée d'Art Moderne de Paris présente actuellement  

et jusqu'au 1er Mars 2020

une très belle rétrospective des œuvres de Hans Hartung.

 

Dans la dernière salle de l'exposition

on peut admirer plusieurs immenses toiles 

réalisées dans les dernières années de sa vie. 

 

Dans le couloir jouxtant la sortie, 

le visiteur passe devant la dernière oeuvre du Maître,

T 1989-N10

Une ombre funeste semble en dévorer un pan.

 

Le Mur de Berlin venait à peine de tomber

- Hans Hartung était natif de Leipzig -

 

Il s'est éteint trois semaines plus tard.

 

Ses cendres ont été dispersées dans la Méditerranée.

 

 

 

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19 octobre 2019 6 19 /10 /octobre /2019 22:09

 

Les expositions à la Fondation Vuitton à Paris

sont toujours des événements majeurs.

La dernière en date,

inaugurée au tout début du mois d'Octobre

ne déroge pas à la règle :

 

 

Le Monde Nouveau 

de Charlotte Perriand

 

 

Un hommage appuyé au génie créatif de cette architecte

et designer, disparue il y a tout juste vingt ans

qui, longtemps restée dans l'ombre de son mentor

Le Corbusier

a marqué de son empreinte le design contemporain.

 

 

Entre la conception de la célèbre chaise-longue basculante

de 1928 et les réalisations de la station alpine des Arcs, en Savoie,

en passant par la fertile période japonaise,

son parcours dans l'exposition est rehaussé par la présence

de quelques deux cents œuvres des artistes majeurs

avec lesquels elle entretenait des liens privilégiés.

 

 

Un superbe écrin qui met en valeur  les créations 

avant-gardistes d'une femme militante et humaniste 

qui entendait placer la Nature au cœur de ses réalisations.

 

 

 

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16 septembre 2018 7 16 /09 /septembre /2018 18:07

 

Alors qu'à la Grande Halle de La Villette le collectif teamLab surprenait et enchantait le visiteur avec le spectacle 'Au-delà des limites', objet de mon précédent article, l'hôtel Salomon de Rothschild le plongeait dans 10000 ans d'esthétique japonaise avec la très belle exposition 'Fukami', voyage initiatique dans l'histoire de l'art du Japon, occasion d'un dialogue inédit avec des œuvres de Gauguin ou Picasso et d'une approche de cet art si différent des conceptions occidentales où l'on parle d 'humidité de l'âme' et de 'dialectique du flottement'.

Un éventail audacieux de créations diverses, toutes époques confondues, donnait lieu à des confrontations saisissantes, telle une robe sculptée contemporaine reprenant des motifs de la céramique Jômon (2000-3000 avant JC) ou une oeuvre minimaliste de Lee Ufan contrastant avec le somptueux décor XVIIIème de ce superbe hôtel particulier.

 

 

Les photographies n'étant que partiellement autorisées lors de la visite, la frustration du chasseur d'images faisait place à l'excitation  en découvrant dans l'immense salle du sous-sol de l'hôtel une stupéfiante installation du sculpteur Kohei Nawa intitulée 'Foam', un nuage de mousse éclairé de bleu s'élevant jusqu'à 4 mètres de haut !

 

 

Métamorphose, philosophie de la légèreté, expérience temporelle, esthétique de la transformation, sont les concepts à l'origine de cette création. 

Sous l'effet d'un produit tensioactif, les bulles s'attirent entre elles et de leur fusion naît un paysage en constante évolution, évoquant à s'y méprendre une nébulosité atmosphérique. Le 'nuage' ainsi créé se meut lentement, grossit, se modifie au fur et à mesure de l'apparition des bulles. La pesanteur et la pression de l'air font qu'un fragile équilibre maintient la masse mousseuse en suspens entre apparition et disparition assurée par un processus chimique sur le pourtour de l'installation.   

Une oeuvre vivante en perpétuelle mutation, évocatrice de la fuite inexorable du temps, illustration de cet univers  flottant si caractéristique de l'art extrême-oriental.

Une réalisation troublante, onirique, où le visiteur qui s'y plonge découvre des paysages d'une éphémère et fascinante beauté. Une expérience qui ne le laissera pas indifférent.

 

 

 

 

 

 

(photos de l'auteur)

 

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8 juillet 2018 7 08 /07 /juillet /2018 17:07

 

Il a illustré tant de poètes.

Ses œuvres elles-mêmes sont des poèmes.

On a parfois parlé à leur sujet d'abstraction lyrique.

Zao Wou-Ki invite le spectateur à s'immerger dans ses toiles,

à se laisser porter, à méditer, à s'y perdre.

Peu d’œuvres ont un nom, juste des dates.

L'une d'entre elles pourtant résume bien le propos :

 

'Traversée des Apparences'

 

Pas moyen de se raccrocher au réel.

On laisse flotter son imagination, on s'évade, on rêve.

 

Pour ma part, ses toiles, les bleues surtout,

me poussent vers de lointains rivages.

Son pinceau se fait houle, se fait ressac.

Les mille gouttelettes de peinture sont autant d'explosions d'écume

quand la mer vient se briser sur les rochers. 

 

Le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris présente actuellement et jusqu'au 6 Janvier 2019 une exposition consacrée aux grands formats de l'artiste :

 

'l'Espace est silence'

 

reprenant l'expression que son ami le poète Henri Michaux employa au sujet de son œuvre.

 

La vidéo qui suit est le fruit d'une visite de cette très belle exposition.

 

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Mers (Zao Wou-Ki)
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26 février 2017 7 26 /02 /février /2017 00:08

 

Elle s'était illustrée en 2015, à la 56ème Biennale de Venise, avec une installation flamboyante 'The Key in the Hand' où deux vieilles coques de bateaux émergeaient d'un épais brouillard constitué de pas moins de 400 kilomètres de fil entrelacé, d'un rouge éclatant, dans lequel étaient suspendues 180,000 clés anciennes aux provenances diverses.

 

 

L'artiste japonaise Chiharu Shiota présente à Paris une nouvelle installation dans un lieu pour le moins insolite, un temple de la Consommation, le vénérable magasin du Bon Marché.

Jusqu'à présent, la femme-araignée avait tissé ses toiles labyrinthiques de fils noirs, autour de lits d'hôpital ('Sleeping is like Death') ou enveloppant un piano et des sièges carbonisés évocateurs d'un concert interrompu ('In Silence').

Elle avait aussi emprisonné de fils noirs ou rouges d'immenses robes de femme ou des vêtements d'enfants, comme s'il n'était jamais vraiment possible de se libérer de ses rêves et du monde de l'enfance ('House of Memory').

Pour la première fois, c'est avec des cordelettes blanches qu'elle a investi le Bon Marché de ses arachnéennes installations.

 

 

Les passants, rue de Rennes, ont ainsi eu la surprise de découvrir qu'en un temps record, les vitrines, habituellement vouées au réveil de nos convoitises, s'étaient muées en grottes sombres et mystérieuses qu'enserrait un inextricable lacis de fils d'un blanc immaculé.

Ca et là, des pages de vieux atlas coloriés, empêtrées dans cet écheveau tentaculaire, semblaient ironiquement rappeler l'inanité d'une quelconque géolocalisation dans ce maelstrom enchevêtré. 

Au rez-de-chaussée, l'artiste a tissé un mystérieux et transparent labyrinthe au travers duquel les multiples spots lumineux du magasin répandent une lumière diffuse.

Il donne l'impression au visiteur d'évoluer dans des circonvolutions artérielles, comme si, réduit soudain à des dimensions infinitésimales, il explorait les recoins les plus intimes de son propre corps.

 

 

Chiharu Shiota est née en 1972 à Osaka et vit à Berlin depuis 1997.

Les dimensions de ses oeuvres éphémères sont telles qu'elles feraient exploser les cubes blancs des galéristes dans les foires d'Art Contemporain.

C'est dans les espaces centraux du magasin, sous la grande verrière, que l'on peut mesurer l'étendue de son talent singulier.

 

 

 

 

Deux structures aériennes, soutenues par une forêt de filins, s'élancent vers le plafond de verre.

Elles semblent, mais ce n'est bien sûr qu'une illusion, d'une légèreté extrême, semblables à un envol de plumes blanches qu'un souffle d'air aurait soudain balayées.

Ce n'est qu'en approchant que l'on découvre le lacis de kilomètres et de kilomètres de fils que l'artiste et son équipe de petites mains ont laborieusement tissés.

 

 

Observée depuis les étages du magasin, voila que cette envolée duveteuse se révèle héberger toute une flottille de fines silhouettes. Des bateaux de tous types, effilés ou ventrus, en tiges de métal ! Il y en a 150 au total, dont les proues pointent vers le haut de la structure, comme aspirées par un irrésistible courant ascendant.

 

 

 

L'oeuvre s'intitule 'Where are we going', une thématique chère à l'artiste du voyage sans destination connue, de l'errance, de la migration.

Elle avait déjà réalisé une installation avec plus d'une centaine de valises en carton ('Searching for a Destination') que des treuils plaçaient en lévitation, évocation du désastre de Fukushima et du drame des migrants.

Ces coques élégantes ne sont pas sans rappeler le 'Bateau de larmes' de Jean-Michel Othoniel, carcasse échouée d'une embarcation d'exilés cubains, dont le gréement de verre coloré symbolise les espoirs et les rêves.

 

 

Point d'échouage cette fois, un invisible aimant semble attirer à lui toutes les barques de cette flottille éthérée.

Leur destination leur est inconnue, tout comme est incertain le voyage de la Vie.

 

 

Partout, des rangées de voiles blanches, impeccablement alignées. 

Ainsi devaient se présenter les vaisseaux de Sa Majesté avant que ne commence un épouvantable combat naval.

En pénétrant plus avant dans l'oeuvre, d'étranges paysages surgissent de cet univers floconneux.

 

 

 

 

La dense forêt de tendeurs et de filins semble noyer la flottille, comme le ferait la pluie dans les estampes d'Hokusaï.

 

 

 

 

L'exposition terminée et l'oeuvre démontée, l'aérienne envolée ne sera plus qu'un amas de fils, de tiges  de filins et d'agrafes.

 

 

Les clients qui empruntent l'escalator du magasin savent qu'à l'instant présent ils se rendent au rayon lingerie ou au rayon vêtements pour enfants, mais ils ignorent la destination finale vers laquelle, inéluctablement, ils se dirigent.

 

 

Les barques fragiles poursuivent quant à elles leur traversée à travers le dense océan des liens tissés tout au long de l'existence ...

 

 

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(L'exposition au Bon Marché de l'oeuvre de Chiharu Shiota 'Where are we going ?' est prolongée jusqu'au 2 Avril 2017.)

 

 

 

 

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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 11:51

 

Il a peint le rideau de scène de l'Opéra Bastille et décoré en bleu Giotto le plafond de la salle des bronzes du Musée du Louvre.

Le Centre Pompidou à Paris lui consacre actuellement une remarquable rétrospective.

Cy Twombly, artiste américain inclassable, disparu en Juillet 2011, occupe désormais une place de tout premier plan dans l'art contemporain.

Moins de monde évidemment qu'à la rétrospective Magritte voisine, car plus difficilement "appréhendable" pour qui n'est pas préparé à une immersion totale et sensuelle dans une oeuvre de sensation et non d'illustration.

Une oeuvre organique, turbulente, solaire, à l'énergie animale, truffée de griffonnages, de crayonnages, de taches, d'éclaboussures, de coulures, de citations souvent indéchiffrables que le peintre, à l'immense culture classique, a noyé sous des couches et des sous-couches d'un blanc laiteux.

 

'Fifty Days at Iliam - Shield of Achilles (part I)' -  1978 - crayon à huile, mine de plomb

 

Cy - cet étrange prénom lui avait été donné par son père, fervent admirateur d'un joueur de base-ball surnommé 'Cyclone' - conversait en latin avec sa soeur à la table paternelle. 

Ses toiles se réfèrent à l'Egypte ancienne, aux mythologies grecques, à la Rome antique.

Il cite Goethe, Homère, Mallarmé, Virgile, aussi bien qu'un mystique persan du 18ème siècle.

Natif du Sud, comme Jasper Johns, très proche ami de Rauschenberg, son oeuvre s'éloignera pourtant radicalement de celles des artistes de sa génération.

Amoureux fou de l'Italie où, à partir de 1957, il résidera en alternance avec les Etats-Unis, il y produira ses oeuvres les plus fulgurantes.

L'exposition, la première d'une telle ampleur, couvre la totalité de l'oeuvre de Cy Twombly, depuis les gris et les noirs des aventures marocaines du début, jusqu'aux explosions colorées des grands formats juste avant sa mort.

 

Sans titre (Lexington) - 1951 - peinture industrielle sur toile

 

'Blooming' - 2001-2008 - acrylique sur panneau de bois

 

La rétrospective est axée sur trois cycles majeurs :

 

.  Nine Discourses on Commodus (1963), reliant la fin tragique de l'empereur romain  Commode à l'assassinat du Président Kennedy.

 Fifty Days at Iliam (1978), immersion dans l'atrocité des guerres antiques.

 Coronation of Sesostris (2000), évoquant la course du char solaire menant tout pharaon  vers l'au-delà.

 

 

'Coronation of Sesostris (part V)' - 2000 - acrylique, crayon à la cire, mine de plomb

 

Elle inclut également des sculptures et des photographies de l'artiste, se clôt avec l'ivresse finale des grandes circonvolutions éclatantes, et bien sûr l'immense toile aux pivoines rouge vif dégoulinantes, évocatrices de haïkus japonais.

 

'Blooming' - 2001-2008 - acrylique et crayon à la cire

 

J'avoue, pour ma part, avoir un faible pour une série de quatre grandes toiles, peintes de 1993 à 1995, rappelant la fuite inexorable du temps et le cycle perpétuel de mort et de résurrection, les Quatre Saisons, 'Quattro Stagioni' réalisées dans la résidence de l'artiste à Bassano in Teverina, au Nord de Rome.

Il existe deux versions de cette série, pratiquement identiques, l'une, celle de la Tate Gallery à Londres est celle présentée à Paris, l'autre est au MoMa à New-York.

 

'Quattro Stagioni' 1993-1995 - acrylique, huile, crayon de couleur, mine graphite

 

'Primavera', le Printemps, couleur sang, évoque la naissance, le commencement, l'éveil érotique. On y retrouve la barque solaire du Dieu Ra dont la course s'affirme en s'élevant dans la toile jusqu'à se fondre dans l'astre éclatant. On y voit également une étrange marque sombre, informe, qui perdurera à travers l'oeuvre jusqu'à prendre une dimension inquiétante dans le dernier tableau.

 

 

'Estate', c'est la lumière crue, aveuglante, de l'été, comme une tache rétinienne, qui noie les perceptions, dissout et coule toutes choses dans le blanc où se dilue, jaune sur blanc, la mémoire de l'amour.

 

 

'Autunno' est en fait le premier tableau de la série peint par l'artiste qui jouissait du spectacle des vendanges à Bassano in Teverina. Les couleurs sont roses, mauves, lie de vin, bronze, couleurs des feuilles pourrissantes, ultime explosion, bouquet final avant la disparition programmée qu'annonce la tache sombre devenue centrale..

 

 

'Inverno', l'hiver, c'est l'aboutissement, la toile sans doute la plus accomplie de cette série mélancolique. Les couleurs sont le jaune, le vert pin, le noir, le gris, le blanc mortel. Les coulures évoquent la neige, les coups de brosse le vent, les craquelures le gel. On ressent le froid, l'absence, le vide, et la tache sombre est là qui semble nous entraîner inexorablement hors du cadre.

 

 

Et partout, et toujours, des mots, des citations, des phrases, des fragments de poèmes.

La plupart du temps on les distingue à peine, comme s'ils étaient prisonniers d'une soudaine glaciation, enfouis au plus profond de l'épaisse couche picturale, messages engloutis dont on pressent vaguement qu'ils finiront par affleurer en des temps éloignés.

 

'Summer Madness' 1990 - acrylique, huile, crayon de couleur, mine de plomb

 

Roland Barthes, dans un texte majeur, préliminaire au premier catalogue raisonné de l'oeuvre de Cy Twombly publié en 1979 à l'initiative de son galeriste Yvon Lambert, avait cité Chateaubriand à propos des écritures de l'artiste :

"On déterre dans des îles de Norvège quelques urnes gravées de caractères indéchiffrables. A qui appartiennent ces cendres ? Les vents n'en savent rien."

A présent, les barques rouges de l'Egypte ancienne ont emporté les secrets d'écriture de celui que l'armée américaine avait affecté un temps au service de cryptographie, mais qui, selon ses propres dires, était un peu trop "vague" pour être un bon déchiffreur.

 

 

Le diaporama qui suit consiste en une succession de gros plans saisis au cours de ma visite de l'exposition.

Une descente en apnée au coeur des oeuvres, qui dévoile un univers torturé, abyssal, évocateur parfois de calligraphie orientale et parfois de profondeurs marines ou d'intimités organiques, chirurgicales.

On y perçoit les coups de pinceau rageurs, la densité du trait, les éclaboussures, les griffonnages, les explosions de couleurs, les coulures (la toile était quelquefois peinte à plat, puis redressée pour laisser les couleurs s'écouler à leur gré).

On y ressent surtout le corps-à-corps violent avec le support d'un artiste qui allait jusqu'à écraser le tube sur la toile ou à étaler la couleur avec la paume de la main.

Une intrusion dans l'oeuvre de celui qui côtoyait l'Olympe, quelque part entre les fresques pompeïennes et les 'graffiti' de Jean Michel Basquiat ou de Keith Haring, et qui restera l'un des plus grands maîtres de notre temps.

 

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Hommage à Cy Twombly
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5 novembre 2016 6 05 /11 /novembre /2016 23:19

 

 

Il dit : 'Ouvrez le banc !',

et le banc explosa comme le ressort cassé d'une vieille pendule

 

Pablo Reinoso - banc de la série des 'bancs spaghetti' - années 2000

 

Il dit encore : 'Prenez une chaise !'

mais la chaise, qui n'avait nullement l'intention d'être prise,

s'en alla se fixer au plafond.

 

Pablo Reinoso -  'chaise au plafond'  variations sur les chaises Thonet - années 2000

 

Il fallut donc parlementer.

mais la chaise était d'esprit retors

et le maximum auquel elle consentit

fut d'aller se coller contre le mur.

 

Pablo Reinoso - 'chaise sur un mur' - variations sur les chaises Thonet - années 2000

 

Vous conviendrez aisément que soutenir une conversation d'un air détaché

alors que vous êtes en suspension, le dos au mur,

n'est pas donné à tout le monde.

 

Juan Muñoz ' 2 seated on the wall with big chairs' - 2000

 

Furieux, il dit à la chaise d'aller se faire pendre,

ce qu'aussitôt elle fit de bonne grâce.

 

Philippe Ramette - 'Le suicide des objets' - 2001

 

Mais à peine eut-il tourné les talons

qu'elle trouva plaisant d'imiter les fakirs indiens 

et d'entrer en lévitation avec sa corde.

 

Philippe Ramette - 'Lévitation de chaise' - 2005

Philippe Ramette - 'Lévitation de chaise' - 2005

 

L'instant d'après, elle invoquait la mémoire de l'arbre 

dont elle était issue.

 

Kado Bunpei - 'Tree of chair' - 2010

 

Les chaises sont les choses les plus incontrôlables qui soient.

Vous pensez bien connaître ces innocents objets du quotidien.

Erreur profonde !

Voyez ces chaises d'église à l'apparence si pieuse et si retenue.

 

chaises de l'église St Jean l'Evangéliste à Paris

 

Survenez à l'improviste et vous risquez fort de découvrir un incroyable spectacle..

 

Tadashi Kawamata - 'La Cathédrale de chaises' - caves Pommery à Reims - 2007

 

Les chaises construisent en secret à travers le monde

d'éphémères monuments à géométrie variable.

 

Tadashi Kawamata - 'Chairs for Abu Dhab'i - Dubai - 2012

 

Elles cachent bien leur jeu, les chaises,

Certaines sont même devenues expertes en guérilla urbaine.

Des chaises en état de siège ...

 

Doris Salcado - Installation à la 8ème Biennale d'Istanbul - 2003

 

Si le besoin s'en fait sentir, elles sont parfaitement capables

de bloquer toute issue de la plus hermétique façon.

 

Tadashi Kawamata -  'Les Chaises de Traverse' - Hôtel St Livier de Metz - 1998

 

Imaginez-vous détenu dans une prison que condamnent autant de barreaux !

Vous vivez un cauchemar et avez des hallucinations.

Des chaises arachnéennes envahissent vos rêves.

 

Giuseppe Gallo - 'Tableau drapeau' - 2007

 

Enfermez vite ces chaises impossibles et mettez les sous bonne garde.

 

Chaises dans un bistrot de la rue Montorgueil à Paris

 

Allons, trêve d'élucubrations.

Les chaises, à l'image de celle, célébrissime, peinte par Van Gogh

ne sont que les humbles servantes de nos lassitudes

et ne se rebellent que dans l'imagination des artistes..

 

Vincent Van Gogh - 'La Chaise - hst - 1888

 

Jetez cependant un oeil sur cette vidéo de Pablo Reinoso - encore lui -

et vos certitudes quant à l'innocuité de ces accessoires muets de notre quotidien

pourraient peut-être s'en trouver ébranlées.

 

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31 octobre 2015 6 31 /10 /octobre /2015 00:03

 

 

Chanson du photographe partageur,

amateur d'Art Contemporain

 

"Je m'en revenais de la FIAC

Avec des photos plein mon sac.

Je me dis alors tout à trac

Quitte à les présenter en vrac

 

Qu'il serait peut-être opportun

D'en faire bénéficier chacun.

(bis)

 

Mais n'en déplaise aux attaques

De ce méli-mélo foutraque

Qui pourrait sembler bien maniaque

Je réponds sans être élégiaque

 

Qu'il est au contraire opportun

D'en faire bénéficier chacun."

(bis)

En revenant de la FIAC

Une sélection d'images tout-à-fait personnelle et aléatoire

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Présentation

  • : Mémoire de Rivages
  • : Pourquoi ce blog? Pour ne pas oublier tous ces rivages, proches ou lointains, que j'ai connus, pour faire partager ces regards, ces visions, ces impressions fugaces, ces moments suspendus et qui ne se reproduiront plus, pour le plaisir de montrer des images et d'inventer des histoires, pour rêver tout simplement..
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  • Jean-François
  • Amoureux invétéré des voyages, des tropiques, des bords de mer, des jardins, de la nature, de l'art etc.. etc..
  • Amoureux invétéré des voyages, des tropiques, des bords de mer, des jardins, de la nature, de l'art etc.. etc..

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