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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 18:48

 

Sigiriya, inscrit au patrimoine mondial par l'UNESCO, est le site archéologique le plus visité du Sri Lanka.

Sigiriya, c'est le rêve insensé, au Vème siècle de notre ère, d'un souverain parricide qui, pris de remord et craignant une réincarnation fatale, décida de transférer sa capitale au sommet d'un énorme et mystérieux rocher, monolithe posé en plein coeur d'une jungle hostile.

 

 

Sigiriya, c'est la volonté de recréer le paradis sur terre, un lieu de beauté où tout serait en harmonie avec la nature, dans un splendide isolement, loin de la fureur destructrice des hommes.

Sigiriya, le 'rocher du lion', ainsi nommé parce que, au stade ultime de l'ascension pour parvenir au saint des saints, le palais du roi au sommet du monolithe, il fallait passer entre les pattes d'un énorme et impressionnant lion de pierre, peint de vives couleurs.

Il n'en reste aujourd'hui que les griffes.

 

 

Depuis le toit du rocher, où avaient été aménagés jardins parfumés, piscines et parterres fleuris autour des habitations royales, le souverain pouvait contempler, quelques deux cents mètres plus bas, le bel ordonnancement de sa capitale et l'harmonieuse disposition des douves, bassins, étangs et jeux d'eaux, alternant avec les corps d'habitation, les parcs ombragés et les jardins de pierre utilisant habilement la configuration naturelle du terrain où d'imposants blocs rocheux émergeaient du sol.

 

 

Là-haut, lorsque les brumes du matin enveloppaient le rocher, le roi pouvait se sentir l'égal d'un Dieu, dominant le reste du monde.

 

 

Pour accentuer cette impression, il avait fait recouvrir le rocher d'une couche d'un plâtre blanc lumineux. Vu d'en bas, cela donnait l'impression que le rocher flottait comme un nuage habité par des êtres divins.

Il avait en outre demandé à ses artistes de peindre sur ce revêtement des images féminines à la beauté rayonnante, témoignant ainsi de l'opulence et de la grandeur du souverain.

 

 

 

 

Richement parées et représentées à mi-corps, elles paraissaient flotter dans l'espace, telles des nymphes célestes.

Les chroniqueurs assurent qu'il y avait un total de quelques cinq cent figures féminines qui agrémentaient ainsi le blanc nuage. Quinze siècles plus tard, elles ne sont plus que vingt et une à avoir échappé aux outrages du temps car protégées par une anfractuosité du rocher.

 

 

 

En 1967, ces dernières survivantes faillirent bien disparaître à jamais, victimes d'un vandalisme qui effaça irrémédiablement le visage de deux d'entre elles et recouvrit les autres d'une peinture verte que les autorités sri-lankaises eurent bien de la peine à éliminer, au prix sans doute d'un certain défraîchissement des vives couleurs originelles.

 

 

L'dentité de ces demoiselles a fait couler beaucoup d'encre.

A la différence de leurs consoeurs indiennes d'Ajanta, toute connotation religieuse est absente. Ce sont des êtres de chair et de sang, à la féminité triomphante, incroyablement vivantes, aux formes généreuses, voluptueuses et désirables, mais jamais provocantes. Elles célèbrent le pouvoir et la splendeur du maître de la cité des dieux.

 

 

L'hypothèse la plus vraisemblable est que les jeunes femmes du harem royal servirent de modèles à ces fresques délicates, sans doute les plus belles que l'on puisse trouver datant de cette période et qui prouvent la très grande habileté des artistes au service du roi.

Cette hypothèse est confortée par le fait que toutes portent au cou un très fin tatouage en forme de petit collier, probable témoignage de leur appartenance au souverain.

 

 

 

 

Toutes portent une profusion de bijoux précieux, mais certaines d'entre elles arborent en outre des coiffures très élaborées et des rangées de bracelets, pouvant signifier qu'il s'agissait de membres de la famille royale, accompagnées de leurs suivantes.

 

 

Images fragiles, émouvantes, aux couleurs vibrantes, parfois à demi effacées, ces demoiselles au sourire énigmatique fascinent toujours, comme elles ont dû à l'époque fasciner les visiteurs de ce monarque qui se prenait pour un dieu.

 

 

A la dix-huitième année de son règne, apprenant que son frère, décidé à venger la mort de leur père, approchait de la citadelle à la tête d'une armée, le roi, sourd aux conseils de ses mages, descendit de son rocher pour aller le combattre. Trahi par son chef des armées qui fit battre ses soldats en retraite, il se retrouva seul, isolé, sur son éléphant de guerre.

Les chroniqueurs racontent que, plutôt que de se rendre, il préféra se trancher la gorge avec sa dague sertie de pierres précieuses.

Il s'appelait Kasyapa. Il avait régné de 477 à 495 de notre ère.

C'en était fini d'un beau rêve. Il n'avait duré que dix-huit ans, dix-huit petites années, une infime goutte d'eau dans l'océan de l'histoire. 

 

image web, vue aérienne du site

Délavé par les pluies tropicales, le blanc nuage se dissipa peu à peu et le grand monolithe retourna se poser au milieu de la jungle. 

Reconverti un temps en monastère par les prêtres qui n'avaient que modérément apprécié cet étalage de plaisirs séculiers, le site, qui terrorisait les habitants de la région, qui le pensaient hanté, finit par sombrer dans l'oubli.

Quinze siècles s'écoulèrent, jusqu'à ce jour de 1831, où un officier britannique, venu chasser l'éléphant dans les parages, ne le redécouvrit, rongé et envahi par une épaisse végétation.

 

 

On peut se demander si ce roi tourmenté, qui avait soulevé une montagne pour en faire le siège céleste de son pouvoir divin, trouva quelque repos dans une vie ultérieure.

Toujours est-il que son palais reste à ce jour bien protégé. D'énormes essaims de frelons, que les anglais appellent 'hornets' ont vaillament résisté à toute tentative d'éradication. On les surnomme les 'gardiens de Sigiriya'.

 

 

Ils inspirent une crainte respectueuse aux essaims de touristes qui montent à l'assaut du site aux heures chaudes de la journée.

Peut-être au fond est-ce pour cela que les demoiselles survivantes ont conservé leur énigmatique sourire ??

 

oooOOOooo

Les Demoiselles de Sigiriya
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commentaires

J
bonjour, cet endroit que je découvre par votre récit est extraordinaire. j'ai été captivé par votre récit bien documenté. Ce qui m'interpelle, c'est le fait que l'endroit peu facile d'accès a été abandonné mais qu'il ne reste presque rien des constructions du palais ! Où sont donc passées les pierres ? le palais était-il en bois et aurait brûlé ? D'autres vestiges anciens retrouvés au 20e siècle envahis par la végétation ont été mis à jour et sont presque intacts. Merci pour votre réponse...
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J
Bonjour Jocelyne. Merci pour votre visite et votre pertinente interrogation. J'avais rapporté de Sigiriya un intéressant opuscule dont je me suis fortement inspiré en écrivant mon article . Ayant récemment déménagé, je ne suis pas parvenu à ce jour à remettre la main dessus ! Il y a sur Wikipedia un très détaillé article sur Sigiriya mais qui n'aborde pas le problème du pourquoi les bâtiments ont si peu survécu malgré leur isolement dans la jungle. A mon avis, les guerres médiévales dans cette partie du monde n'étant pas une promenade de santé, le frère de Kasyapa, fondamentalement hostile à l'instauration de Sigiriya comme capitale du royaume, a dû détruire tout ce qui de près ou de loin évoquait le siège du pouvoir royal. Je crois me souvenir également que l'opuscule faisait état de nouvelles destructions par les moines bouddhistes qui succédèrent à Kasyapa sur le site, sans parler des pillages par les habitants des quelques villages environnants. Ceci dit, les autorités cinghalaises ont depuis procédé à un remarquable travail de restauration.. Reste bien sûr le problème de l'afflux excessif de touristes que les frelons ont quelque difficultés à réguler.
N
Merci pour ce beau texte et les magnifiques photos Nadia 20/02/2021
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J
Merci Nadia pour la visite qui me donne l'occasion de revivre un très beau souvenir de voyage. Sigiriya est un lieu magique qui reste ancré dans la mémoire. Un lieu surprenant, unique, évoquant plus un conte de fée que la réalité historique. Mais on est en Orient, n'est-ce pas, alors un palais-nuage tout blanc recouvert de jolies demoiselles, au beau milieu d'une forêt mystérieuse, cela devient tout-à-fait possible ...
S
Bonjour Jean-François, je rentre de mon 2ème voyage au Sri Lanka. Trente ans après j'ai redécouvert un pays magnifique et des gens adorables. La beauté des sites m'a encore une fois ému et surtout j'ai retrouvé avec émotion Sigiriya, sa forteresse et ses belles demoiselles. <br /> J'ai lu avec grand intérêt le récit de ton séjour là-bas et tous mes souvenirs sont remontés à ma mémoire. Merci pour ton travail et surtout merci de le partager avec nous. Plus tard je partirai à la découverte de tes autres récits !<br /> Juste une petite remarque : dans le texte tu as écrit plusieurs fois "Sirigiya", alors qu'il s'agit bien de Sigiriya ! <br /> Bien cordialement, Serge
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J
Bonsoir Serge. Merci pour ta visite et ton commentaire.. Il est vrai que le Sri Lanka est un pays superbe et j'en garde aussi un souvenir ému. Merci également de m'avoir signalé le lapsus concernant l'orthographe de Sigiriya. Comme quoi, malgré plusieurs relectures, il est toujours possible que des erreurs échappent au crible !! Correction dûment effectuée.!<br /> Cordialement, Jean-François
T
Une histoire fascinante, surgie du passée, qui a bien failli passer inaperçue ... si ce chasseur d'éléphant n'avait redécouvert le site et ses secrets ! Mais que c'est incroyable, du vandalisme jusque dans des endroits pareils ! Et le lion qui s'efface, la blancheur du nuage qui s'efface, le visage des demoiselles délicieusement passé, mais les frelons qui restent ! Ah oui, une bien belle histoire ! C'est toujours un plaisir de voyager loin avec toi Jean-François, l'occasion de faire des découvertes passionnantes ! Passe une belle journée, et bravo pour ton enquête : il s'agit bien de Mâcon ;-) !!!
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J
C'est vrai que ce lieu est absolument incroyable et c'est un miracle si son histoire est parvenue jusqu'à nous car les chroniques relatant ces faits extraordinaires ont été écrites dans une langue oubliée que des chercheurs n'ont que tardivement déchiffrée. Il faut espérer que ce pays qui sort de dix-sept années de guerre civile saura préserver ce site fascinant qui n'a pas fini de livrer ses secrets.Le problème majeur sera peut-être la trop grande affluence touristique que les frelons auront bien de la peine à réguler...<br /> Bonne soirée Thaddée et merci pour ta visite.
M
Je sais que je n'irai pas à Sigiriya, aussi je prends doublement plaisir à visiter, au gré des belles images et de l'histoire du roi et des belles demoiselles. <br /> Merci Jean-François, aussi pour m'avoir invitée en ce lieu qui inspire le respect, respect de la force de la nature, des talents des artistes, respect des demoiselles, plus touchantes encore parce que ce sont des survivantes ...<br /> Bonne fin de journée dominicales, et à bientôt.
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J
Merci Midolu pour la visite. J'ai vraiment été fasciné par Sigiriya. On peine à imaginer ce que devait être ce nuage blanc flottant au dessus de la jungle, avec tout en haut un palais de rêve. Et tout cela à une époque où les villages gaulois parsemaient la forêt française et où les Vandales achevaient de mettre Rome à sac ! Quant aux fresques, elles sont de fragiles merveilles et je pense qu'on finira, comme à Lascaux, par en contempler des copies, tant l'affluence touristique est grande. Très bonne soirée !
F
Bonjour Jean-François<br /> Je t'ai suivi image après image dans le très beau récit<br /> de ce voyage au cœur de ce magnifique paysage<br /> Les régnants ont surement raison de bâtir ces paradis à leurs yeux<br /> Les vestiges nous parlent du passé et nous racontent<br /> avec tes mots les belles histoires d'amour qui font des épopées<br /> Je reste sur cette page....Que dis-je ce bout de paradis que sans toi<br /> je n'aurais pas eu la chance de visiter<br /> Bisous et belle journée<br /> Frieda
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J
Merci à ma fidèle lectrice pour la visite de ce lieu étonnant et magique dont l-histoire, quand on prend la peine de s'y intéresser, est vraiment fascinante. Espérons que ces fragiles peintures puissent encore longtemps défier le temps.Espérons aussi que le flot touristique n'atteigne pas des proportions exagérées, car j'ai du me lever à l'aube pour éviter la marée des visiteurs...<br /> Bonne journée Frieda.

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