Il est peut-être au Brésil ou à Colombo, au Surinam ou à Java, c'est un jardin tropical, quelque part entre Capricorne et Cancer,.là où la Nature explose et où il règne en permanence une atmosphère moite de serre chaude.
Les palmes y déploient leur souple chevelure.
Sur un vieux mur s'imprime leur lourd balancement.
Les feuillages explosent et dessinent les figures d'une savante pyrotechnie.
La lumière joue dans les frondaisons et y révèle des couleurs excessives et des formes improbables.
Des lianes se convulsent et des racines progressent en lentes reptations.
Une grande villa désertée témoigne de splendeurs passées.
A l'intérieur, il régne une étrange atmosphère et une insolite fraîcheur qui contraste avec la chaleur étouffante du jardin.
Dans les pièces vides à la rigueur victorienne ne parviennent que les cris incessants des oiseaux et le grésillement ininterrompu des insectes.
Un miroir reflète l'enchevêtrement de lianes et de branches et les fenêtres ouvrent sur l'exubérante végétation qui assaille la demeure.
Pour un peu , on croirait voir surgir les héros de Kipling.
Sur une photo jaunie, deux petites filles en robe blanche et bottines à boutons posent au milieu de feuilles plus grandes qu'elles.
Dans ce jardin dont elles connaissaient les moindres secrets, elles retrouvaient en cachette leurs animaux favoris.
Sur un mur, un gentil gecko semble en apesanteur. Il est semblable à celui qui, le soir venu, chassait pour elles les insectes importuns.
Dans ce jardin où résonnaient leurs rires, elles savaient si bien dénicher fleurs et fruits insolites.
Les bambous centenaires se souviennent peut-être de leurs fugues, lorsqu'elles s'y cachaient des heures durant, au grand désespoir des gens partis à leur recherche.
A présent, les bords de l'étang ne reflètent plus leur image frondeuse, les feuilles y créent un tapis multicolore, mais les nénuphars y déploient toujours leurs fleurs délicates et la majestueuse 'Victoria Amazonica' sert encore de reposoir aux oiseaux de passage.
Les mousses ont recouvert le sein des fontaines
Un gardien de pierre a beau montrer les crocs, rien ne semble pouvoir arrêter la démesure végétale.
Une serre abandonnée depuis longtemps paraît attendre l'assaut final avec résignation..
La grande forêt est proche et bruisse de mille bruits. Elle pourrait sans nul doute dévorer ce jardin, mais, si l'on tend bien l'oreille, on croit parfois entendre des rires enfantins. Les vieux gardiens qui veillent toujours jalousement sur le domaine disent avoir quelquefois aperçu.deux petites filles en robe blanche cachées dans les haies de bambous, et le fait le plus étrange est que la grande forêt semble s'être arrêtée aux limites du jardin sans jamais en envahir le bel ordonnancement...
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Les photos de cet article ont été prises, dans leur grande majorité, au jardin de Pamplemousses à l'île Maurice ainsi qu'au Jardim Botanico de Rio de Janeiro. Quelques photos ont été prises dans divers jardins d'Asie du Sud-Est..
La photo des deux petites filles est extraite du livre 'Jardins des Alizés - L'aventure botanique sous les tropiques', paru aux éditions Solar. Elle fait partie de la collection de M. Guillaume Pellerin.