Vous ne vous en êtes peut-être pas encore vraiment rendu compte, mais il y a à Paris plus de lions que dans toute la savane africaine.
Bien sûr, vous penserez tout de suite au plus majestueux d'entre eux, place Denfert -Rochereau, sculpté par Bartholdi - celui de la statue de la Liberté -, réplique au tiers du lion de Belfort, mais il n'est que le représentant le plus visible de la foule de grands fauves qui s'est subrepticement appropriée la capitale.
Regardez bien, ils sont partout. Tapis sous votre fenêtre, rue Montorgueil.
Dissimulé sous votre balcon, rue de Valois.
Jouant les descentes de lit, quai des Célestins.
Déguisés en cariatides ailées, avenue de Tourville.
Surveillant les allées et venues au-dessus de vos têtes, rue Condorcet.
Guettant vos moindres faits et gestes depuis le toit des Archives Nationales, rue des Archives (évidemment).
Boulevard de Ménilmontant, ils contrôlent carrément l'accès à votre immeuble.
Ce contrôle semble d'ailleurs s'exercer plus discrètement rue Vivienne.
Il convient toutefois de préciser que cette prise de pouvoir ne s'est effectuée que fort progressivement et qu'un esprit de revanche sur le triste sort du lion de Némée (dont l'image - ô combien humiliante - est toujours visible dans la cour carrée du Louvre) a longtemps animé les grands félins.
Pour arriver à leurs fins il leur a bien souvent fallu tirer la langue, comme ici, boulevard Saint-Germain.
Pour survivre, ils ont parfois servi de repose-poulaines aux gisants de Saint-Denis.
Ils ont subi sans rugir les jeux stupides d'angelots frondeurs qui les utilisaient comme montures, ainsi qu'en témoigne ce bas-relief sur la porte d'un hotel particulier de la rue Vieille-du-Temple
Ils ont dû tenir avec les dents, qu'ils ont certes puissantes, (tout de même!) les marquises du Bon Marché.
La haute finance avait fini par en faire de ridicules accoudoirs, ainsi qu'on peut le vérifier au fronton du siège de la BNP, rue Bergère.
Mais quel chemin parcouru depuis ! Les grands fauves ont désormais placé leurs économies au Crédit Lyonnais, cela va sans dire, et ils ménent à présent une existence dorée, qu'illustre ce lion repu rue St.Honoré.
Plus besoin de se cacher derrière une guirlande de feuillage, comme ce lion craintif de la rue Charlemagne.
Le monde appartient aux lions, dixit ce fier porteur de crinière, avenue de Villars.
Certains en deviennent bouffis d'orgueil à l'exemple de ce specimen indigne de la rue du Faubourg St.Honoré.
Mais c'est vraiment place Saint Sulpice que l'on peut mesurer l'étendue de l'emprise de la gent léonine sur Paris. Aux quatre points cardinaux de la fontaine des quatre évêques (qui ne furent jamais nommés cardinaux...), des lions rugissants tiennent solidement entre leurs griffes les armoiries de la ville.
L'un d'eux d'ailleurs est fou de rage et ne supporte pas l'ignominieuse présence d'un pigeon lèse-majesté venu souiller sa noble crinière.
Alors, si d'aventure vous rencontrez un lion endormi, tel celui du musée Jacquemart-André, boulevard Haussmann, de grâce, ne le réveillez surtout pas.
Comme vous pouvez le constater sur cette fresque murale de la rue de l'Ourcq, son réveil serait vraiment terrible.
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