En cette fin d'année morose, on a tous un peu besoin de légèreté.
Le titre de l'exposition qui se tient au Petit Palais à Paris pour quelques jours encore, 'Fantastique', dans le cadre de laquelle est présentée pour la première fois en France une rétrospective du peintre japonais Utagawa Kuniyoshi, ne semble pas a priori correspondre à cette recherche..
Kuniyoshi (1797-1861), beaucoup moins célèbre que ses illustres contemporains, Hokusai (vous savez.., 'la Vague') ou Hiroshige, est surtout connu pour sa truculence et les excentricités géniales qui l'ont fait surnommer le 'Démon de l'Estampe'.
Son oeuvre, dans laquelle abondent squelettes, monstres marins et autres araignées géantes fascine encore de nos jours les créateurs de mangas et auteurs de bandes dessinées fantastiques.
Mais alors direz-vous, et la légèreté dans tout çà ? J'y arrive justement.
Kuniyoshi était un amoureux des animaux et il les dessina à en user ses crayons.
Surtout, il était fou de chats qui, parait-il, pullulaient dans son atelier
Un vrai charivari.
C'est ainsi que dans nombre de ses estampes qui, au pays du Soleil Levant, se vendaient alors pour le prix d'un bol de nouilles, les chats sont omniprésents.
Il est de notoriété publique que ces énigmatiques félins sont, depuis des temps immémoriaux passés maîtres dans l'art de la séduction, pas toujours désintéressée d'ailleurs.
A y regarder de plus près, il apparait toutefois que les chats de Kuniyoshi ont un air plutôt chafouin.
Observez bien ce chapardeur surpris la patte dans le sac. Il va se prendre une rouste, mais à considérer son air filou on comprend à l'évidence qu'il n'en est pas à son premier larcin.
Emporté par sa fougue picturale, Kuniyoshi dessina des planches entières de chats nippons, parfois chahuteurs et chamailleurs, croqués dans une infinité d'attitudes dont certaines ne sont pas sans rappeler des comportements humains.
Non content de représenter ainsi les chats dans toutes les situations possibles et imaginables, Kuniyoshi inventa les chats-mots, des chats contorsionnistes qui n'auraient pas déparé sous un chapiteau et dont les positions, dignes du kama-sûtra, formaient des caractères - japonais bien sûr - constitutifs de mots.
Mais l'artiste fit encore plus fort. Réalisant des estampes à deux faces destinées à des éventails, Kuniyoshi invita les chats à se déguiser.
Côté face, le chat du centre va se transformer en chat-huant, - c'est logique -, l'acrobate de gauche en lion chinois et les deux chenapans de droite, en masque de démon.
Côté pile, en ombres chinoises ... pardon, japonaises, voilà ce que cela donne. Stupéfiant, non ?
En plus de ses multiples qualités, Kuniyoshi était aussi un caricaturiste talentueux.qui aimait à saisir sur le vif les attitudes de ses contemporains. Il publia ainsi quantité de planches où au beau milieu de croquis saisissants surgissait soudain, allez savoir pourquoi, la silhouette fantomatique d'un chat déluré.
En 1842, un décret impérial prohiba la représentation picturale des courtisanes, geishas et acteurs, jugée contraire aux bonnes moeurs.
Qu'à cela ne tienne, Kuniyoshi qui avait réalisé de superbes et nombreux portraits de geishas et d'acteurs et qui pouvait aussi bien dessiner des poissons qui pêchent et des oiseaux qui lisent, décréta que désormais tout ce beau monde serait représenté en chat.
Sitôt dit, sitôt fait, et les chats se mirent à singer les humains.
Mais peut-être trouverez-vous qu'il y a décidément trop de chats dans cette histoire ?
Je vous offre en guise de compensation, - et ce sera mon cadeau de Noël - une belle gravure sur bois (ca 1843) avec le mont Fuji en arrière-plan, qui prouve, s'il en était encore besoin, la virtuosité d'un artiste dont Monet s'enticha (tiens donc !)
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oooOOOooo
(toutes les photos de cet article ont été prises par l'auteur lors de sa visite de l'exposition au Petit Palais)