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27 décembre 2017 3 27 /12 /décembre /2017 12:18

 

N'allez surtout pas penser qu'il s'agit ici d'une aberration chromatique résultant d'une utilisation irraisonnée de Photoshop.

L'incroyable couleur vert fluo de l'eau contenue dans cette vasque naturelle est bien  réelle et les spécialistes vous diront qu'elle est en fait due à une très forte concentration d'arsenic

 

 

Cette vasque a été surnommée la 'Baignoire du Diable' et on ne serait pas autrement surpris de voir émerger de ce bouillon toxique un monstre gluant digne du plus horrifique film de science-fiction.

 

 

Nous sommes à Wai- O - Tapu, le parc géothermique  le plus important de l'île du Nord de la Nouvelle-Zélande. à proximité de Rotorua.  En Maori, cela signifie 'l'Eau Sacrée' et on imagine sans peine les sentiments qui durent traverser l'esprit des premiers découvreurs de ces extraordinaires phénomènes naturels.

Car ici, où il lui arrive de marcher à quelques centimètres au-dessus d'un chaudron en ébullition, l'Homme prend conscience de sa fragilité face aux forces monstrueuses de la Nature. Sous ses pieds, des plaques tectoniques s'affrontent et, en surface, au beau milieu d'une riante végétation, ce ne sont que vapeurs brûlantes, bouillonnements, gargouillis, geysers et odeur de soufre.

 

 

 

 

 

Car ici, c'est bien à une promenade sur le territoire du Malin que l'on est convié.  Outre la 'Baignoire du Diable', on peut aussi contempler les 'Encriers du Diable', emplis d'une boue glougloutante, la 'Maison du Diable' avec ses cristaux de soufre jaune, le 'Cratère de l'Enfer' qui bouillonne toujours violemment et, pour parfaire l'illusion vous vous retrouvez enveloppé de vapeurs et poursuivi par l'odeur insidieuse des gaz sulfureux.

 

 

 

Pour les passionnés de chimie, cet enfer a des allures de paradis car on vous explique que si le jaune est synonyme de soufre, la couleur orange est révélatrice d'antimoine, le blanc de silice, le vert d'arsenic, le rouge-brun d'oxyde de fer, le violet de manganèse, etc.. etc.. La 'Piscine de champagne', la plus spectaculaire, avec ses 60m de diamètre, ses 60m de profondeur et son eau à 74°C est un concentré de métaux rares et ses bulles viennent crever une surface aux teintes psychédéliques.

 

  

 

 

La 'Palette de l'Artiste' quant à elle, semble refléter la fureur avec laquelle un peintre démiurge s'est efforcé lors du grand chaos initial d'illustrer les bouleversements auxquels il assistait.

 

 

 

 

Le plus extraordinaire est que, dans cet environnement létal la vie continue. Une échasse blanche déplace précautionneusement ses longues jambes dans cette soupe empoisonnée dont elle semble totalement immunisée.

 

 

Les arbres, à proximité immédiate des émanations sulfureuses, se sont recouverts d'une algue appelée 'trentepohlia', de couleur rouge ou orange, qui protège leur chlorophylle et leur permet de survivre, donnant aux paysages de sous-bois un aspect fantasmagorique.

 

 

 

Mais, direz-vous, et la Lady dans tout çà ?

J'y viens justement. A une centaine de mètres du parc proprement dit un petit monticule de silice  laisse échapper des vapeurs chaudes. Il n'attirerait pas particulièrement l'attention si ce n'est qu'à heure fixe - à 10h15 du matin précisément - il se transforme en un impressionnant geyser  En fait, s'il était livré à lui-même, l'horaire de cette transformation serait totalement aléatoire et seuls quelques touristes chanceux se trouveraient au bon endroit au bon moment pour observer le phénomène.

 

 

Les responsables du parc, qui ont un sens commercial aigu, ont jugé plus commode de 'réveiller' le geyser tous les jours à heure fixe, ce qui permet de concentrer un maximum de visiteurs qui doivent alors débourser un supplément au tarif d'accès au parc pour assister à la chose. Ce sont en fait les conditions dans lesquelles le phénomène a pour la première fois été observé, seulement au tout début du XXème siècle, qui sont à l'origine de cette idée de réveil (et qui expliquent aussi pourquoi cette découverte tardive n'a pas de nom Maori).

En 1901, quelques prisonniers affectés par l'administration pénitentiaire à des travaux dans la zone, lavaient leur linge, profitant de l'eau chaude fournie généreusement et gratuitement par mère Nature. L'un d'eux, l'opération terminée, jeta négligemment les restes de savon dans la bouche du cratère. Il s'en suivit l'éruption d'un geyser de plus de 20m de haut. On imagine sans peine l'émoi de ces prisonniers voyant leurs sous-vêtements s'envoler ainsi brutalement.

On sait maintenant que le savon agit comme un 'tensioactif' libérant l'énergie compressée entre deux masses liquides de températures différentes, ce qui permet donc de présenter à heure fixe une belle éruption aux visiteurs assemblés pour le spectacle dans un amphithéâtre construit tout exprès autour de la vedette de silice. 

Après sa découverte, on attribua au geyser le nom de 'Lady Knox' en hommage à l'épouse du gouverneur britannique d'alors. L'histoire ne dit pas s'il fut attribué malicieusement en référence aux débordements de la dame...

Après un long discours de présentation destiné à chauffer l'assistance, 'Lady Knox' reçoit donc sa dose journalière de savon et commence à éructer, fumer et baver impunément de plus en plus fort sous les yeux et les caméras du public. L'éruption liquide intervient à peine 2 minutes plus tard et propulse dans les airs un joli jet d'eau, moins impressionnant toutefois que celui du lac Léman à Genève...

 

 

Le paroxysme, immortalisé par les smartphones et appareils photos de tous types  brandis avec un bel ensemble par la totalité des spectateurs. dure moins d'une quarantaine de secondes avant que le jet ne retombe mollement et que la centaine de touristes, venus des quatre coins du monde ne regagne sagement cars et véhicules.

En repassant dans le parc, maintenant bondé à ce moment de la journée, il m'a semblé percevoir un rire sourd provenant du fond de la baignoire verte 

Mais peut-être n'était-ce qu'un oiseau dans le sous-bois ..

 

oooOOOooo

 

 

(photos de l'auteur).

 

 

 

 

 

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commentaires

D
j'aime bien la conclusion :) dommage en effet de contingenter pour une manne financière un phénomène naturel... je n'étais pas très douée en cours de chimie au lycée, peut-être cet article m'aurait plus motivée? ^-^ pour cet article et les autres, merci!
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J
Nous nous étonnons de ces superbes et vénéneux phénomènes naturels tandis que les populations qui nous ont précédé en faisaient des dieux. Avons nous vraiment évolué? Devant des spectacles de cet ordre il serait sage que nous nous convainquions que nous ne sommes que des broutilles devant la vie de notre planète. Petite reflexion pseudo philosphique...surl'imbecillité du genre humain qui ne pense qu'à sémerger et à se battre alors que notre bonne terre nous réserve toujours des surprises pas spécialement agréables. Je pense au site de Pouzoles, près de Naples que je visitai il y a quelques années. Ce "cirque" souffré et malodorant est en fait un cratère qui , selon les vulcanologues serait plus dangereux que leVésuve.....J'ai beaucoup aimé la conclusion de ton article!!!!!! :-) Bonne fin d'année Jean François!!!
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J
A Waimangu, à quelques kilomètres à peine de Wai-O-Tapu, on pouvait encore au milieu du XIXème siècle contempler un spectacle féerique : une longue succession de terrasses de calcite enserrant des piscines naturelles roses et blanches. Un véritable escalier de cristal miroitant sous le soleil que les voyageurs de l'époque qualifiaient de 8ème merveille du monde. Le 10 juin 1886, la terrible et meurtrière éruption du volcan Tarawera effaçait tout sous des mètres et des mètres de lave et de boue. Les dirigeants actuels du monde feraient bien de méditer sur la fragilité de notre planète. Mais pour cela il faut être intelligent et l'intelligence est la chose au monde la moins bien répartie... Heureuse Nouvelle Année !
T
Incroyable, hallucinant, et tu me fais aimer cet environnement hostile, il est tellement impressionnant, tellement surréaliste ! On n'imagine pas que de tels paysages infernaux existent sur terre. Ce vert ! jamais vu nulle part, il est tellement flashy. Et le plus incroyable c'est qu'il y ait de la vie sur cette terre irascible et toxique, des oiseaux, des arbres ! ... et des sous-vêtements qui volent, mdr ;-). Je vais peut-être être me montrer indiscrète et tu n'es pas obligé de me répondre Jean-François, mais ces derniers jours j'ai pensé que tu vivais en Nouvelle-Zélande ... Après, ça ne me regarde pas. Je te souhaite de bien terminer l'année, ne te laisse pas avaler par ces bassines fumantes, ni surprendre par cette lady quelque peu caractérielle, mais on ait que les ladies donnent leur nom aux tempêtes, aux ouragans, alors ... A bientôt Jean-François, eu un grand merci pour ces photos et ce texte fan-ta-stique !!!
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J
Non, non, Thaddée, je ne suis que parisien et, quand je voyage, je m'efforce de le faire à l'écart des circuits de groupe organisés pour profiter au mieux de la beauté du monde et en conserver si possible des images. Il y a en NZ des parcs géothermiques beaucoup moins fréquentés que Wai-O-Tapu, mais il faut bien reconnaître qu'il est le plus spectaculaire, alors ça vaut la peine de photographier par dessus la tête des gens , ce qui n'est pas trop un problème pour moi car je suis grand !<br /> C'est drôle les selfies ! Comment peut-on photographier un paysage en lui tournant le dos ;-)) Heureuse année 2018, Thaddée.
J
Ce genre de lieux sont toujours aussi étonnants
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J
Absolument. Wai-O-Tapu est le plus emblématique et le plus connu des parcs géothermiques de Nlle Zélande. Mais il en existe plein d'autres, peut-être moins spectaculaires mais où on peut se promener tranquillement au milieu d'une nature splendide sans se retrouver cerné par des milliers de touristes ... et puis bien sûr il y a des lacs de toutes les couleurs.
E
Un voyage plein de surprises ! Et de belles photos... J'adore celle de l'échasse blanche !
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J
Un voyage surprenant en effet. A propos de l'échasse, il y a plein d'oiseaux étonnants en NZ, totalement inconnus dans nos contrées. Je suis particulièrement ravi, car j'ai réussi à prendre en photo un 'fantail' (j'ai vu par la suite qu'on l'appelle en français 'rhipidure à collier' !!!). C'est un adorable petit oiseau, emblématique du pays presque au même titre que le kiwi, extrêmement vif et donc très difficile à photographier. Il vient tournicoter autour de vous en ouvrant et en fermant ses longues plumes caudales blanches et noires, à la manière d'un éventail, d'où son nom. Tu peux le retrouver sur internet. En NZ, il figure sur les porte-clés, cartes postales, magnets et souvenirs divers. Une vraie vedette.

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  • Jean-François
  • Amoureux invétéré des voyages, des tropiques, des bords de mer, des jardins, de la nature, de l'art etc.. etc..
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